Et si analyser les odeurs de notre ville nous aidait à améliorer notre quotidien? C’est ce que pensent des scientifiques européens et américains, qui viennent de publier les résultats d’une nouvelle étude et d'un projet appelé Smelly Maps. Ils expliquent notamment que les urbanistes et les décideurs auraient beaucoup à gagner s'ils prêtaient attention au paysage olfactif urbain, qui importune bien souvent les citadins.
En 2013, Slate.fr évoquait déjà le projet similaire d'une artiste, Kate McLean. Citylab, qui relaie cette nouvelle étude, explique que les scientifiques ont d’abord organisé des «marches de l’odeur» avec des volontaires locaux en leur demander d’identifier ce qu’ils sentaient dans les rues de sept grandes villes à travers le monde: Amsterdam, Pampelune, Glasgow, Édimbourg, Newport, Paris et New York.
«À partir de cet exercice, ajoute Citylab, ils ont mis en place un dictionnaire compréhensible des odeurs, des plus désagréables (“pot d’échappement”, “excrément”, “déchet”, “putride” et “vomi”, entre autres) aux plus appréciables (“lavande”, “fruit”, “barbecue”, ou “cuisson au four” par exemple).»
On peut ainsi voir que la dizaine de testeurs parisiens a trouvé 25 odeurs dans la capitale française alors que les 44 participants à Amsterdam ont compté 650 odeurs en seulement quatre jours. Néanmoins, nous ne ferons pas de suppositions sur la grande variété d’odeurs de cette ville pourtant réputée pour son fumet très caractéristique.
Parcs et axes routiers
Les chercheurs ont ensuite réalisé plusieurs cartes illustrant les différentes odeurs de deux villes en particulier: Barcelone et Londres. Ils ont cherché les odeurs répertoriées sur Twitter, Flickr et Instagram grâce aux publications géolocalisées et leurs mots-clefs. Près de 20 millions d’images et de tweets ont été analysés. Sur la carte ci-dessous, on peut ainsi voir les lieux de ces deux villes où les utilisateurs de réseaux sociaux ont détecté le plus d’émissions non naturelles (en rouge) et naturelles (en vert).
Les odeurs de Barcelone (via Smelly Maps)
Les odeurs de Londres (via Smelly Maps)
Évidemment, les émissions naturelles (fleurs, lavande, herbe, etc.) sont les plus présentes près des parcs et les émissions non naturelles (pollution, voitures, etc.) sont plus importantes sur les grands axes routiers. Daniele Quercia, l’un des chercheurs ayant participé au projet, a expliqué au site PSFK que ces données sont plus utiles qu’on peut le croire:
«Les humains sont potentiellement capables de distinguer plus de mille milliards d’odeurs différentes. Et pourtant, les politiques et les urbanistes ne prennent en compte que dix mauvaises odeurs sur ces mille milliards. Pourquoi une perspective aussi simpliste et négative? L’odeur est tout simplement difficile à mesurer.
Les villes sont victimes de cette perspective négative intrinsèque. Le but de notre travail est d’ouvrir un nouveau champ de recherche célébrant l’aspect positif que jouent les odeurs dans la vie urbaine.»
Les scientifiques conseillent ainsi aux urbanistes d’utiliser ces données précises pour déterminer quelle partie de la ville sent le plus mauvais et pour y remédier en aménageant ces zones à l’aide de parcs ou d’espaces piétons. Citylab suggère même aux politiciens de se servir des données des réseaux sociaux pour mieux cerner les soucis olfactifs des habitants. Et peut-être qu’un jour, sait-on jamais, nous aurons le droit à une application de navigation qui nous conseillera le chemin le moins gênant pour nos narines.