Vous ne le connaissez peut-être pas, mais Vladimir Poutine, lui, si. Henri Malosse, le président du Comité économique et social européen (CESE), vient de se voir interdire l’entrée sur le territoire russe. Il fait partie de la bande des quatre Français dans le même cas, parmi une liste comptant 89 noms.
Les états de service des autres Hexagonaux sont connus, qu’il s’agisse de Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, du touriste-activiste en chemise à manches longues Bernard-Henri Lévy, de Daniel Cohn-Bendit, franco-allemand devant l’état civil et grand européen devant l’Éternel. Mais le président du Comité économique et social européen, organe consultatif chargé de représenter le dialogue social auprès des institutions européennes, est un illustre inconnu en dehors de son milieu. Pourtant, ces derniers mois, ses sorties ont hérissé le poil du président de la Fédération de Russie.
Opposition à l’influence soviétique
Si, le 29 mai, Henri Malosse se sentait «plutôt fier» de figurer sur la liste des persona non grata en Russie, il est revenu, dès le lendemain, à de meilleurs sentiments:
Je ne me réjouis pas de figurer sur la ´liste noire du Kremlin' : un signe alarmant de la dégradation des libertés : http://t.co/UcGZSWUElX
— Henri Malosse (@MalosseHenri) 30 Mai 2015
Dans une tribune qu’il fait paraître sur le site de son organisme, il déplore la situation et apporte quelques éléments d’explication:
«Je suis le seul président en exercice d’une institution européenne â être ainsi ostracisé! Est-ce un hasard si c’est l’institution qui représente la société civile qui est ainsi visée?
J’ai conduit en effet pendant l’hiver 2013-2014 plusieurs missions de soutien au mouvement civique ukrainien au nom de la société civile européenne. J’ai pris la parole par deux fois sur le Maïdan pour parler des valeurs européennes, de la lutte contre la corruption et de la nécessité de la transparence dans la vie publique.»
Cet homme de 60 ans d’origine corse, qui bataille pour les PME européennes, a une longue histoire avec l’Europe de l’est, dont il partage la culture (il parle polonais et russe). En 1976 déjà, alors qu’il n’a que 22 ans et termine son cursus à Sciences-Po Paris, il rencontre le syndicaliste polonais Lech Walesa, à Gdansk. Walesa deviendra le premier président de la République de Pologne de l’ère post-communiste une dizaine d’années plus tard mais s’oppose déjà au régime de Jablonski, avant d'affronter le gouvernement de Jaruzelski, sous influence soviétique. Un souvenir de vacances qui ne rachètera pas Malosse aux yeux de l’ancien agent du KGB Vladimir Poutine.
«Banditisme international»
Mais c’est bien la crise ukrainienne qui a amené la discorde entre les deux hommes. Outre la visite d’Henri Malosse sur la place Maïdan, haut-lieu de la réaction anti-russe à Kiev, entre le 23 et 25 décembre 2013, il a exprimé plusieurs fois sa colère devant l’action des Russes dans l'est du pays, comme dans ce communiqué en date du 3 mars 2014:
«L’entrée de l’armée Russe en Crimée ne peut pas être vue autrement que comme une annexion de facto. Par conséquent, nous dénonçons une telle intervention militaire, qui est un acte de banditisme international.»
Des propos qui ont contribué à lui valoir la décoration de l’ordre de Saint-Vlodomyr le Grand en avril, des mains du patriarche de l’Église orthodoxe ukrainienne, Philarète, pour son «soutien aux valeurs chrétiennes et démocratiques en Europe et dans le monde; à l’Ukraine, dans son retour au sein de la famille européenne; à la coopération bilatérale entre les institutions européennes et le Patriarche de Kiev». Philarète, excommunié en 1997 par le Patriarcat de Moscou, n’est lui-même pas en odeur de sainteté au sein de la «Sainte Russie».
Enfin, Henri Malosse a plus largement critiqué le pouvoir russe, y compris pour sa politique intérieure. Le 27 mai, soit deux jours avant la parution de la liste noire, a vouler «exprimer la préoccupation des membres du CESE devant la nouvelle loi adoptée en Russie qui restreint la liberté d’association et de mouvement», a-t-il déclaré, ajoutant mêmeque «cette loi s'ajoute à de multiples pressions qui, ces dernières années, ont affecté les organisations engagées notamment en faveur de l'environnement et des droits de l'homme».
Si Henri Malosse n’est pas le membre le plus connu du peloton des exclus du territoire russe, il n’est sûrement pas celui qui paraît le plus insignifiant à Vladimir Poutine.