«Suivrez-vous la finale de la Nouvelle Star?», demande L'Express.fr. Car oui, si le grand soir est là, avec le face-à-face final entre Soan et Leïla, la question se pose avec acuité cette saison. Si certains se plaignent de l'élimination, la semaine dernière, de la très populaire Camélia-Jordana, et promettent de ne pas regarder la finale, si les audiences ont été plus que correctes, l'ennui a gagné un grand nombre d'auditeurs. Titiou Lecoq avait pronostiqué en février ce risque d'essouflement. Revoici son son article.
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Après la lamentable et pathétique dernière édition de la Star'ac, la Nouvelle Star peut-elle réussir à rivaliser avec un tel sommet d'ennui? Oui. Le pari semble audacieux, la Star'ac ayant placé la barre de la nullitude absolue très haut cette année, mais dans son principe même la Nouvelle Star semble vouée à un échec identique.
L'émission repose en effet sur des émotions en deux temps. Temps un: le rire avec les castings. Les premières émissions sont dédiées à un tour de France où les anonymes viennent pousser la chansonnette devant le jury en espérant être sélectionnés pour la suite du programme, l'occasion pour M6 de tomber dans le vidéo-gag de la télé-crochet. Temps deux: l'émotion à Baltard. Là, les meilleurs candidats se produisent en direct avec une élimination chaque semaine et une débauche de sanglots et de cris hystériques. Or, d'emblée, on peut annoncer qu'aucun de ces moments forts, rires et pleurs, ne fonctionnera.
Pourquoi on ne rira pas.
Et pourtant, les années précédentes, on s'est bien bidonnés devant des prestations désastreuses. Mais, depuis l'an dernier, les habitudes ont évolué et tout le monde a compris que pour se moquer des apprentis chanteurs, il y avait un médium en voie de se spécialiser dans le ringard: le Net. En la matière, des Damien Jean ou des Miss Amandine du 38 ont poussé le ridicule à un tel extrême qu'on voit difficilement comment un casting télé pourrait rivaliser.
Les vidéos de ces «artistes» présentent un avantage indéniable: elles leur permettent de présenter non seulement vocalement mais également visuellement leur univers. Ce qui fait rire chez Damien Jean, plus que sa ritournelle sortie tout droit des années 80, c'est la mise en scène de son clip et son improbable feux d'artifice final. Chez Miss Amandine, ce qui opère c'est le «charme» de l'adolescente qui affiche sa révolte devant sa webcam.
Il y a d'ailleurs un paradoxe puisque c'est Cindy Sanders, la catastrophe révélée par la Nouvelle Star 2008, qui semble avoir ouvert la brèche à cette espèce de concours de ringardise. Cindy a été l'archétype du buzz qui commence à la télé avant d'être récupéré par les internautes (aidés par le Petit Journal people de Yann Barthès). Mais pendant l'année écoulée, le mécanisme a eu tendance à s'inverser. Ainsi de Michael Vendetta, le chantre du concept de «bogossitude» qui a commencé par polluer le web avant d'être invité sur les plateaux de télé par des animateurs avides de récupérer un phénomène viral. On peut alors se demander pourquoi regarder la Nouvelle Star quand Internet regorge de proies faciles?
En comparaison, le principe du casting de la Nouvelle Star semble donc préhistorique. Ce qui pourrait sauver l'émission, ce sont les interventions du jury, leurs mines défaites face aux désastres qui se succèdent sous leurs yeux. «American Idol», la version américaine de l'émission, fonctionne en grande partie grâce à la méchanceté légendaire de Simon Cowell. Mais nos jurés français ont-ils la répartie nécessaire pour sauver cette étape de l'émission? On en doute.
Pourquoi on ne pleurera pas.
On entend souvent que le principe de la télé-réalité s'use, que les téléspectateurs s'en lassent. Ce qui lasse, c'est la répétition d'une même formule parce qu'elle finit par tuer l'émotion, moteur essentiel de ces shows. Pourtant, les larmes et les hululements de bonheur des candidats sont, année après année, toujours aussi sincères. Mais leur émotion ne se transmet plus aux téléspectateurs.
Le problème, c'est que les candidats ont d'abord été des spectateurs de l'émission et qu'ils ont totalement intégré les codes de l'émission, surtout après six saisons, ils rejouent forcément le spectacle auquel ils ont assisté. Chaque année dans le même décor, on entend donc les mêmes formules stéréotypées, on revoit les mêmes gestes répétés par de nouveaux candidats qui, inconsciemment, reproduisent les mimiques de leurs prédécesseurs.
Le problème est identique pour la Star'ac qui, même en sélectionnant des candidats de plus en plus jeunes, ne parvient pas à retrouver une certaine fraîcheur. Et ce jeu de mime désamorce la capacité d'empathie du téléspectateur. Tout est trop rôdé pour que jaillisse une véritable spontanéité qui, seule, pourrait émouvoir. Et si l'émotion ne passe plus, la provocation ne fonctionne pas mieux. Même les fortes personnalités ont du mal à se démarquer. Un candidat provocateur sera accusé de feindre la provocation pour faire son Julien Doré. La situation semble donc bouchée et pourrait se traduire par une nouvelle érosion de l'audience.
Pourtant, la télé-réalité n'est pas morte, loin s'en faut. Endémol a parfaitement compris qu'il fallait désormais jouer sur la déstabilisation des candidats. «Secret Story» repose tout entier sur ce principe, avec la création de situations les plus perverses possibles. Le télé-crochet à l'ancienne est donc peut-être mort mais la télé-réalité continue à évoluer.
Il n'existerait qu'un moyen de rendre cette nouvelle saison de la nouvelle Star un peu divertissante: lancer la même initiative qui existe aux Etats-Unis avec American Idol. Un site, créé en 2004, tente chaque année de mobiliser les téléspectateurs pour faire gagner le plus mauvais candidat, celui dont la prod veut absolument se débarrasser.
Téléspectateurs, nous avons réussi à enterrer la Star'ac, nous pouvons réitérer l'exploit avec la Nouvelle Star.
Image de une: Le plateau de la Nouvelle Star . M6/FMF/Abacapress.com