Lorsqu’il est arrivé sur la scène à Cannes, aux côtés d’autres jeunes réalisateurs de court métrage, son discours écrit sur des fiches cartonnées à la Julien Lepers, on aurait pu penser que David Sandberg jouait la carte de la fausse fébrilité, une nouvelle fois pour faire le show. Le jeune réalisateur de 29 ans assure pourtant, comme un vrai geek, être plus à l'aise dans l'ombre, sur son ordi, qu'ovationné par le public. «J'avais vraiment peur, j'étais hyper nerveux, je déteste être sur scène», explique-t-il après coup. Le créateur de Kung Fury va pourtant devoir s'habituer à la lumière.
Après une campagne de crowdfunding sur Kickstarter et une levée de fonds de plus de 630.000 dollars émanant de 17.000 contributeurs, son court métrage loufoque est désormais connu dans le monde entier sur la toile, au point d'avoir finalement été projeté sur la Croisette à l'occasion de la Quinzaine des réalisateurs. De quoi avoir envie de se pincer...
«Mon idée, c'était juste de faire un court métrage et de le poster sur YouTube. Je pensais que seul un groupe très restreint de personnes apprécieraient. Je m'attendais plus à recevoir des messages de haine de la part de trolls du Net. C'est un copain qui m'a appelé alors que je n'avais pas encore lu les commentaires et qui m'a dit d'aller les lire. Les messages étaient pratiquement tous positifs.»
«La première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est Hitler»
Il faut dire que le Suédois a particulièrement bien mené sa barque en composant un trailer bien ciselé, qui montrait dès le début toute la force de son projet. Une belle success story qu'il a commencé à imaginer il y a seulement deux ans en écoutant de la musique, tranquille, dans son lit…
«J’écoutais beaucoup Mitch Murder à l'époque, qui est un peu le Jan Hammer suédois. Il a fait des titres superbes sur la nostalgie des années 80 et j’ai juste eu énormément d’images dans la tête en écoutant ça. J’ai été totalement obsédé par sa musique quand j’ai écrit mon script», se souvient le jeune réalisateur.
L’imagination débordante de David Sandberg, spécialiste de l'animation 3D et des effets visuels, dans la pub et pour des clips notamment, nous emmène donc sur les traces de Kung Fury, ce flic des années 80 frappé par la foudre et qui devient dès lors expert des arts martiaux, parti à la recherche d’Adolf Hitler, devenu lui aussi maître du kung-fu et appelé Kung Führer.
«Kung Fury est le meilleur policier du monde. Il fallait donc qu’il se batte contre le pire criminel de l’histoire. Quand j’ai pensé à un mauvais garçon, la première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est Hitler», explique le réalisateur, qui assure ne pas avoir pris de psychotropes pour écrire son film. «Ce sont les drogues qui m’ont pris», sourit-il.
Une histoire complètement barrée, pleine d’humour, empreinte de kitsch et de second degré, dans un univers où l'on discute avec Thor, dans lequel on se déplace à dos de dinosaures, où les voitures de flics se font défoncer à coup de skateboard et où les bornes d’arcade de jeux vidéo deviennent des méchants à combattre. Bah quoi?
«Pour les enfants des années 80»
L’inspiration du Suédois vient évidemment de son enfance. Car, comme toute une génération, David Sandberg a été biberonné à la musique, aux films, aux séries Z et aux jeux vidéo des années 80. Des références omniprésentes tout au long du court métrage. C'est le cas notamment du personnage principal (qu’il interprète), qui porte un vieux bandeau, une veste en cuir, des mitaines, des Converses et qui se bat à la manière des personnages de Street Fighter ou de Mortal Kombat:
«Je me suis inspiré de tout ce que j’ai aimé pendant mon enfance. Ghostbusters, Jurassic Park, McGyver, Miami Vice, les tortues Ninja et tous les autres émissions que j’ai pu regarder.»
A commencer par K-2000 et David Hasselhoff. L’homme à l’écharpe piano mythique et à la veste maculée d’étoiles clignotantes sur le mur de Berlin a même sorti une chanson come-back intitulée True Survivor pour l’occasion. Mise en ligne il y a un peu plus d'un mois, le clip a déjà visionné par plus de 11 millions d'internautes. Point d’orgue de la folie du projet? Pas vraiment…
David espère suivre le destin de plusieurs réalisateurs dont il est un fan éperdu: Quentin Tarantino, Paul Thomas Anderson, Katsuhiro Ôtomo, Christopher Nolan, James Cameron, Eric Wareheim, Michael Mann, Steven Spielberg mais aussi… Luc Besson.
«Ce n'est que le début. J’ai le projet de faire une version longue de Kung Fury et quelques autres idées mais c’est un peu tôt pour en parler. Mon seul rêve, c’est de pouvoir faire des films le reste de ma vie. Ce projet m’a permis d’ouvrir beaucoup de portes, j’espère en ouvrir d’autres…»
Sans pour autant renier ses valeurs. Malgré son succès, comme promis, le film a été diffusé en première mondiale le 28 mai sur YouTube et mis en ligne gratuitement... Pouvait-il en être autrement?