Le tabloïd britannique Daily Mail a choisi un angle particulier pour évoquer l'afflux de refugiés syriens sur l'île grecque de Kos: la galère des vacanciers indisposés par la présence de tous ces migrants.
Apparemment sans ironie, les éditeurs du quotidien ont choisi de publier ce titre: «Misère des vacanciers alors que des milliers de boat people afghans et syriens installent des camps de migrants et transforment cette île agréable en “dégoûtant” trou à rat».
L'adjectif «dégoûtant» vient d'une interview menée par la journaliste Hannah Roberts, qui a conversé avec ces touristes déçus, dont une infirmière de Manchester en vacances avec son mari à la retraite:
«C'est le bazar, c'est vraiment sale. Et puis c'est gênant. Les gens vous regardent quand vous mangez au restaurant.»
Un autre couple, qui a préféré rester anonyme:
«Si c'est encore comme un camp de réfugiés l'année prochaine, on ne reviendra pas.»
Depuis quelques mois, selon la BBC, près de 6.000 réfugiés, dont de nombreux Syriens, Afghans et Irakiens, ont débarqué à Kos. Chaque jour, ils font la queue devant le poste de police pour tenter d'obtenir des permis de présence sur le territoire européen.
Manque de compassion
On peut comprendre que, pendant leurs congés payés, des vacanciers n'aient pas envie de voir des réfugiés en détresse au bord de la plage, mais leur manque de compassion est assez choquant. Sur Twitter, cette indifférence a généré beaucoup d'indignation:
Selfish "boat people" from Syria & Afghanistan ruin British family's holiday in Greece. http://t.co/oCdTpicU9j pic.twitter.com/FoW2hZFJ5H
— Arash Karami (@thekarami) May 28, 2015
«Des “boat people” égoïstes venant de Syrie et d'Afghanistan gâchent les vacances en Grèce d'une famille anglaise»
Réfugiés vus comme une nuisance
Au-delà des plaintes des touristes, c'est aussi la façon dont l'article du Daily Mail est écrit qui pose problème. Dans les nombreuses légendes photos du récit, les réfugiés ne sont vus que comme une nuisance: «Paysage gâché: le port est devenu un lieu pour étendre le linge, avec des habits et des foulards sales le long de la mer». Des hommes qui dorment sur des bancs, des familles entières qui vivent dans la rue sur des cartons: impossible pour les touristes de profiter tranquillement du soleil.
Sur Twitter, la journaliste a dû d'ailleurs expliquer que ce n'était pas elle qui avait écrit le titre et les légendes.
Anyone who knows the first thing about journalism knows that reporters never write the headlines https://t.co/4ZcH9TAGeN
— Hannah Roberts (@hanrobs) 28 Mai 2015
«Ceux qui s’y connaissent un minimum en journalisme savent que les rédacteurs n’écrivent jamais les titres.»
Vers la fin de l'article, elle donne tout de même la parole à quelques réfugiés, dont un qui a fui Raqqa, une ville contrôlée par l'État islamique, où son cousin a été décapité. C'est ce genre de détail qui permet de mettre en perspective les petits désagréments subis par les touristes.