En matière de salaire, de partage des tâches domestiques, de place à l’écran ou d’accès aux infrastructures urbaines, l’avantage est aux hommes. Mais il y a un domaine qui, progressivement, est devenu féminin, du moins dans son style, sans que l’on s’en aperçoive: la conversation sur Internet, comme le fait remarquer Ben Crair dans le New York magazine.
Pourtant, la conversation était auparavant un domaine où les hommes avaient le pouvoir, remarque le journaliste. Une étude de 1975 indique ainsi que les hommes étaient responsables de 96% des interruptions de conversation. Et la Toile, sur laquelle chacun fondait pourtant des espoirs de neutralité et de parité, a au début reflété les relations de pouvoir existantes, comme l’a analysé la chercheuse Susan C. Herring, citée par Ben Crair. «Les femmes postaient moins que les hommes, recevaient moins de réponses quand elles le faisaient et peinaient à se faire leur place dans la conversation», résume le journaliste.
Style dominant
Mais, peu à peu, la parole féminine s’est forgée son style. Et ce style est aujourd’hui dominant. Sur Internet, justement, les femmes ont donné le ton. Leur patte? Elles utiliseraient plus d’émoticônes et seraient plus expressives. C’est la conclusion qu’ont tirée, dès 2006, des linguistes de l’université du Connecticut qui ont analysé des messages instantanés. Conclusion réitérée en 2009 par des chercheurs italiens qui se sont penchés sur des textos.
Établir un lien
Rien d’étonnant à cela, puisque c’est aussi leur style «IRL», dans la vraie vie. Alors que les hommes ont tendance à s’exprimer en délivrant une information brute et en exposant leurs savoirs, les femmes cherchent à établir un lien, attentives à tout ce qui entoure le contenu du message. Elles vont dire «nous» quand les hommes diront plutôt «je», n’hésiteront pas à poser des questions quand elles ne comprennent pas et modèleront l’expression de leur confiance en elles pour ne pas paraître vantardes.
Smileys
Partant, elles écrivent aussi de plus longs textos ou mails et en envoient de plus nombreux. Et elles agrémentent leurs tweets, posts et autres missives de smileys, pour éviter à tout prix que le lecteur ne puisse se sentir agressé par une affirmation. Une chercheuse américaine, Deborah Tannen, avait résumé la différence entre hommes et femmes dans ce domaine par un concept, que l’on pourrait traduire ainsi: le «style informatif» («report style») par opposition au «style communicatif», ou style établissant du lien («rapport style»).
Or, aujourd’hui, ce sont bien les femmes qui ont remporté le match du style des conversations sur la Toile. Sur Internet, les hommes n’ont pas imposé leur standard concis et froid.
«Au contraire, c’est l’inverse qui s’est produit, résume la chercheuse Alecia Wolf, citée par le New York magazine, qui a travaillé sur le sujet. Les hommes et les femmes ont tout les deux intensifié leur usage des émoticônes.»
Certes, les femmes n’ont pas gagné sur tous les points sur Internet. Il a été démontré par exemple qu’elles se saisissaient beaucoup moins des sujets politiques, tweetant notamment beaucoup moins de hashtags politiques que leurs congénères masculins. Mais elles peuvent se réjouir d’avoir gagné cette petite bataille ;-)