Planer sur un petit nuage, sourire niaisement, aimer son prochain et envisager la vie sereinement: après un grand shoot d'amour, les symptômes ne trompent pas. Ou alors s'agit-il de l'état doucement grisant de l'ivresse? La confusion n'a rien de surprenant puisque l'alcool et l'ocytocine, aussi appelée «hormone de l'amour» car elle est produite lors des idylles, ont des effets similaires sur le cerveau.
C'est ce que montre une étude en psychologie publiée mardi dans la revue Neuroscience and Biobehavioral Reviews et signalée par le site d'information scientifique ErekAlert. Les chercheurs de l'Université de Birmingham ont été surpris de constater que les deux substances entraînent les mêmes comportements, tant bénéfiques que préjudiciables, comme l'indique le docteur Ian Mitchell:
«Nous avons été frappés par l'incroyable similarité entre les deux composés.»
Dans les deux cas, les comportements sociaux sont encouragés. Les recherches montrent qu'alcool et ocytocine –on sait que cette dernière intervient aussi dans le lien maternel– favorisent l'altruisme, la générosité, l'empathie.
Le chercheur poursuit:
«[Ces deux substances] ciblent différents récepteurs dans le cerveau mais causent des actions communes sur [...] le circuit neuronal. [Celui-ci] contrôle la façon dont nous percevons le stress et l'anxiété, particulièrement dans des situations sociales comme les entretiens, ou éventuellement pour trouver le courage d'inviter quelqu'un à un rendez-vous galant. Prendre des composés tels que l'ocytocine et l'alcool peut rendre ces situations moins intimidantes.»
En annihilant le stress ou la peur, les deux substances font tomber certaines barrières et permettent à l'individu d'être plus engageant.
Comportements destructeurs
Prendre des composés tels que l'ocytocine et l'alcool peut rendre les entretiens ou RDV galants moins intimidants
Dr Ian Mitchell, chercheur en psychologie
Mais les chercheurs pointent le revers de cette délectable euphorie. L'amour partage aussi avec l'alcool son «côté obscur». On retrouve les mêmes comportements destructeurs: agressivité, vantardise, jalousie envers les personnes considérées comme concurrentes, repli sur son groupe au détriment des autres. Et des prises de risque inhabituelles entraînées par le regain de confiance.
L'amour, c'est comme une drogue… du moins chimiquement http://t.co/u6lcDe2yPE cc @LaTacfi pic.twitter.com/LRwH0Y2pqc
— France Inter (@franceinter) 28 Avril 2015
Est-ce à dire que l'amour, comme l'eau-de-vie, est à consommer avec modération? Pas loin, répond le psychopédagogue Bruno Humbeeck, interrogé par France Inter:
«La dépendance amoureuse, c'est le plus joli moment pathologique qu’un être humain va être amené à vivre [...]. Individuellement comme socialement, ça ne peut pas durer quand vous prenez les symptômes de la passion: focalisation sur l’être aimé, idéalisation, manque, pensées intrusives, engagement à la fusion permanente...
Si vous êtes dans ce discours à très long terme, vous n’allez plus travailler, vous n’allez plus vous développer ailleurs que dans votre relation amoureuse.»
Les scientifiques de Birmingham à l'origine de l'étude souhaitent pourtant continuer leurs recherches avec quelques perspectives:
«L'ocytocine est fascinante pour la neurochimie, loin des histoires de cœur, et il existe des possibilités d'utilisation dans des traitements psychologiques et psychiatriques. Comprendre exactement comme l'ocytocine efface certains modes d'action et altère notre comportement pourrait apporter de grands bénéfices à de nombreuses personnes.»
À quand les piqûres d'amour?