Économie

L’introduction de la taxe carbone: passage aux travaux pratiques!

Temps de lecture : 3 min

Comment évaluer les premiers pas du gouvernement.

A la suite des consultations organisées en juillet dernier, Michel Rocard a remis au gouvernement un rapport comportant ses préconisations pour la mise en place de la «contribution climat énergie», autrement dit une taxe carbone qui donnera un prix aux émissions de CO2 d'origine énergétique non couvertes par le système européen d'échange de quotas dans les secteurs diffus: bâtiments, transports, petites entreprises industrielles, artisanales ou agricoles. Le gouvernement se lance désormais dans les travaux pratiques. Comment peut-on évaluer ses premiers pas?

En inscrivant la taxe carbone dans le projet de Loi de finances initiale pour 2010, il suit l'une des premières préconisations des experts consultés: démarrer rapidement. Et une telle décision n'était pas forcément évidente à prendre en ces temps de crise: un bon point!

Le taux envisagé par le gouvernement semble être de 14 euros la tonne de CO2. C'est un peu moins que le prix observé sur le marché européen ces dernières semaines, mais surtout moins de la moitié de la préconisation de 32 euros la tonne figurant dans le rapport Rocard. Un mauvais point?

A la vérité, la question du niveau de la taxe carbone n'a pas été totalement investiguée lors des travaux du rapport Rocard qui a repris les résultats du rapport Quinet sur la «valeur tutélaire» du carbone, autrement dit le prix théorique du carbone compatible avec la stratégie de long terme dite du «facteur 4». Son résultat: 32 euros en 2010 et 100 euros en 2030. Mais est-il souhaitable d'instituer deux prix du carbone dans l'économie, l'un pour les grandes installations industrielles fixé par le marché du carbone, l'autre pour les émetteurs «diffus» déterminé par la taxe? C'est risquer une moindre efficacité économique par rapport à un prix unique du carbone.

En pratique, cela poserait des difficultés dans tous les secteurs où coexistent grandes installations soumises au système des quotas et petites installations, jusqu'à présent exonérées de toute contrainte, mais prochainement assujetties à la taxe carbone. Il n'est donc pas absurde de démarrer à un niveau de taxe qui tienne compte du prix du marché. Encore faut-il le justifier et s'assurer que les deux dispositifs envoient bien le message d'une augmentation du prix dans le temps. Il reste en la matière un gros travail de clarification à faire: plutôt que le mauvais point, retenons à ce stade la mention «peut mieux faire».

C'est la troisième épreuve qui sera décisive dans l'examen de passage de l'élève: celle de la fixation de l'assiette de la taxe. L'assiette retenue par le rapport Rocard englobe l'ensemble des émissions de CO2 énergétique (graphique ci-dessous).

L'assiette potentielle de la contribution climat-énergie est constituée des émissions de CO2 résultant de l'utilisation du pétrole, du charbon et du gaz par des acteurs non soumis au système des quotas. Les émissions de méthane et de protoxyde d'azote, majoritairement issues de l'agriculture, ne sont pas incluses. S'il n'y a pas d'exonérations fiscales, la taxe carbone et le système européen des quotas couvriraient ensemble la totalité des émissions de C02 d'origine énergétique du pays.

Pour être efficace et acceptable, il faut que les prélèvements de la taxe carbone soient restitués aux acteurs économiques sous forme de compensations, mais jamais sous forme d'exonérations qui suppriment l'incitation à réduire les émissions et donc la raison d'être du nouvel impôt. Les annonces faites jusqu'ici sont encore imprécises pour les ménages et laissent augurer d'un système assez complexe. Le gouvernement saura-t-il résister à toutes les pressions que vont exercer les acteurs les plus affectés par la taxe, ou se présentant comme tels, pour obtenir des compensations sous forme d'exonération? Réponse en fin d'année dans le détail de la Loi de Finances après parution au Journal Officiel.

Certains regretteront que cette extension de la portée d'un signal-prix pour les émissions n'ait pas été opérée par un élargissement du marché des quotas: clairement l'Europe qui est le moteur en la matière n'était pas prête. D'autres regretteront le prix de départ trop bas. Ils auront tort si le test de l'assiette est passé avec succès par la gouvernement tant il est préférable de lever un impôt sur une assiette large avec un taux modéré et accepté des contribuables plutôt que de faire passer un taux élevé en multipliant les exonérations.

Christian de Perthuis

Le lecteur trouvera une contribution plus complète dans «Tendances Carbone n°39, septembre 2009, publication de la Mission Climat - département CDC Climat de la Caisse des Dépôts, en partenariat avec BlueNext».

A lire notre dossier spécial sur la taxe carbone

Image de une: En Pologne, en août 2009. Peter Andrews / Reuters

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