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Les rédactions françaises ont encore du mal à parler d'homosexualité

Temps de lecture : 2 min

Une journaliste du Monde relance le débat sur le tabou de l’homosexualité dans les médias.

Richard Descoings, le 4 avril 2012, lors d'une réunion à l’Élysée | REUTERS/Philippe Wojazer
Richard Descoings, le 4 avril 2012, lors d'une réunion à l’Élysée | REUTERS/Philippe Wojazer

Dans Richie, la journaliste Raphaëlle Bacqué revient sur le parcours de l’ancien président de Sciences-Po, Richard Descoings, décédé il y a trois ans. Elle y évoque sans détour l’homosexualité de cet homme, une partie de sa vie qui était longtemps restée tabou dans les médias.

À l'époque, ces derniers préféraient des formulations détournées. «En fait, notait alors le journaliste Patrick Thévenin, le seul média à affirmer ouvertement que Richard Descoings était gay, à la suite de son décès, fut un site anglais. [...] Pendant ce temps-là, la presse française marchait sur des œufs

Le 28 avril, Raphaëlle Bacqué expliquait à l’association des journalistes LGBT que, trois ans après, l’homosexualité soulève toujours des craintes dans les rédactions:

«Avant que Closer ne publie les photos de Florian Philippot, le numéro deux du Front national, avec son copain en week-end à Vienne, je voulais faire au Monde une enquête sur les gays au Front national. […] On m’a répondu qu’il y a toujours eu des homosexuels au FN, ou alors on m’a dit on le sait déjà, cette phrase si typique des journalistes.

Je me souviens d’une réunion avec la rédaction en chef où on m’a dit: Tu peux raconter comment Marine Le Pen a décidé de ne pas aller aux manifestations, mais tu ne fais pas quelque chose sur les gays qui l’entourent.” Mais c’est indissociable!»

Pression des chaînes

Il y a quelques mois justement, au moment des révélations du journal Closer, nous évoquions déjà la gêne ambiante dans certaines rédactions. Alice Coffin, porte-parole de l'Association des journalistes LGBT (AJLGBT), expliquait:

«On le voit très bien dans les nécrologies ou les portraits dans la presse, il n'est jamais dit clairement que la personne est homosexuelle. Les journalistes se braquent sur les questions de vie privée et, pour moi, c'est une erreur.»

Les journalistes et présentateurs homosexuels eux-mêmes ont parfois du mal à faire leur coming-out, surtout à la télévision, à cause de soi-disant conséquences sur l’audience. Interviewé il y a quelques jours par le magazine Têtu, le présentateur Christophe Beaugrand évoque la pression de certaines chaînes pour cacher son orientation sexuelle:

«Quand je bossais à La Matinale de Canal +, le producteur de l'émission me disait: Ne parle pas trop de ton homosexualité, tu vas passer pour le pédé de service. Il y a plein de gens qui veulent vous protéger mais qui finalement vous empêchent d'être ce que vous êtes. Pour moi, l'époque Canal + a été une période compliquée.»

Dans une autre interview, pour Closer, il évoquait des journalistes et des présentateurs d'autres chaînes à qui les services de presse ont dit:

«Il ne faut pas que tu communiques sur ton homosexualité, tu vas faire peur à la ménagère.»

Expliquant que l’on passe «d'un monde où les homos se cachaient un peu à un monde où ils vivent leur vie normalement», il reste convaincu que, avec le mariage pour tous, les choses évoluent peu à peu et que l’homosexualité ne sera bientôt plus un tabou dans les médias.

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