Dans une longue interview donnée au Washington Post, Alan Levinovitz, qui enseigne la philosophie et la religion, règle son compte à la folie «gluten free» (le régime sans gluten) qui s’est emparée des États-Unis (et s’implante progressivement en France). Il vient de publier une enquête consacrée au «mensonge du gluten», le titre de son livre.
Suppression du gluten
Rappelons que le gluten est constitué de deux protéines que l’on trouve dans les farines de céréales (blé, orge, seigle) à la base de beaucoup d’aliments (pain, pâtes), ce qui rend le régime sans gluten très contraignant pour la minorité de la population (environ 1%) qui souffre bel et bien d’une intolérance au gluten, la maladie cœliaque.
«Si vous remontez dans les années 1980, explique Alan Levinovitz, personne n’avait entendu parlé du gluten. Même pas les promoteurs de la santé alimentaire. En fait, malheureusement, même les gens qui souffraient de la maladie cœliaque n’auraient pas entendu parler de gluten à cette époque.»
Mais tout à changé depuis et, si la découverte des effets du gluten sur les intolérants a permis d’améliorer grandement leur situation, beaucoup d’individus qui ne sont pas concernés se sont mis à supprimer le gluten de leur alimentation. «Le mouvement du sans gluten est vraiment une menace pour la culture gastronomique et pour notre relation à la nourriture», affirme Alan Levinovitz.
Discours alarmistes
L’auteur revient sur la combinaison de facteurs qui ont rendu possible cet engouement. D’abord, la confusion entre les symptômes de l’intolérance au gluten et ceux de l’autisme, au point que des personnes atteintes de la maladie cœliaque étaient diagnostiquées à tort comme autistes. Un mythe s’est alors propagé, associant régime sans gluten et guérison de l’autisme. Ensuite, la prise de conscience des méfaits supposés de la protéine est contemporaine de la vogue des régimes paléo, dont les best-sellers soutiennent que nos ancêtres vivaient plus sainement à une époque où le gluten n’était pas consommé.
Une illusion collective selon l'auteur, dans la mesure où la certitude que le gluten est néfaste pourrait bien faire apparaître les symptômes redoutés... Se livrant à un démontage impitoyable, Alan Levinovitz reste pour autant très prudent en soulignant qu’il ne s’agit absolument pas de nier les effets du gluten sur une partie de la population, mais de condamner les discours alarmistes en l’absence de preuves scientifiques suffisantes pour bannir le gluten de l’alimentation de chacun.