Monde / Société

Le dernier film de propagande des nazis aurait dû s'appeler «La vie continue»

Temps de lecture : 2 min

L'objectif de ce film inachevé: montrer que, malgré la destruction des villes par les raids, le moral des Allemands restait inébranlable.

Hitler et Goebbels lors d'une projection d'un film en 1935  | Breve Storia del Cinema via Flickr CC License by

Alors que l'Allemagne croulait sous les bombes, les nazis ont continué coûte que coûte à produire des films de propagande. Le tournage du dernier d'entre eux, Das Leben geht weiter («la vie continue»), a débuté fin 1944 près de Berlin, dans les studios de Babelsberg, là-même où ont été tournés des films mythiques tels que L'Ange bleu ou Metropolis.

Ce film devait dépeindre la vie quotidienne des habitants d'un immeuble berlinois en 1943 (année où les Alliés commencèrent à bombarder la capitale allemande) qui, malgré leur situation dramatique, restaient convaincus que la victoire approchait. Un des habitants travaillait même à la fabrication d'une «Wunderwaffe», une arme miraculeuse qui sauverait le peuple allemand des griffes de l'ennemi.

Ravages des raids

Das Leben geht weiter marquait un tournant dans l'histoire des films de propagande du régime nazi, explique l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui consacre un article à son tournage inachevé:

«Cela paraît anodin mais c'était une petite révolution. Pour la première fois, un film pouvait aussi montrer les ravages causés par les raids aériens: des ponts détruits, des immeubles en flammes, des rails déchirés.

Quelques mois plus tôt, cela aurait été impensable. Goebbels bannissait systématiquement du grand écran ce qui pouvait s'apparenter à une défaite. Il misait désormais sur des méthodes de propagande plus subtiles ayant pour message: on peut détruire des villes, mais pas la volonté et le moral des Allemands.»

Jusqu'à la défaite, le réalisateur allemand Wolfgang Liebeneiner travailla sans répit sur ce film, malgré les coupures d'électricité répétées et les évacuations quotidiennes. Car, comme le fait remarquer Der Spiegel, «arrêter n'était pas envisageable. Celui qui avait le droit de travailler sur le projet préféré du ministre de la propagande Joseph Goebbels n'avait pas à craindre d'être envoyé au front».

Coupures de courant

Goebbels plaçait en effet tant d'espoir en ce film que, malgré la ruine financière de l'Allemagne, il y consacra un budget pharaonique. Rien que le scénario fut rétribué 105.000 marks, ce qui fait de lui le plus cher de l'Allemagne nazie. Le budget du tournage, fixé à 2,4 millions de marks, fut dépassé au bout de quelques mois à peine.

105.000

C'est, en marks, le prix du scénario, ce qui en fait le plus cher de l'Allemagne nazie

Le tournage dut finalement être interrompu à Babelsberg en mars 1945, où il n'était plus possible de tourner que quelques heures par nuit à cause des coupures de courant. Qu'à cela ne tienne: Wolfgang Liebeneiner envoya toute son équipe à la base aérienne de Lunebourg pour poursuivre le tournage. Les acteurs étaient hébergés chez des paysans du coin et devaient rejoindre la base aérienne chaque matin à pied car il n'y avait plus de véhicules à disposition.

Peu avant la défaite, Wolfgang Liebeneiner cacha ses pellicules dans la cathédrale de Bardowick, un village au nord de Lunebourg, mais celles-ci ont disparu mystérieusement et n'ont, à ce jour, jamais pu être retrouvées.

On peut tout de même s'en faire une idée en regardant le documentaire éponyme retraçant l'histoire du tournage, sorti en 2003 et récompensé par un Emmy Award, dans lequel certaines scènes du film ont été reconstituées.

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