N'importe quel être utérin aura pu l'expérimenter. Etre une femme et travailler, c'est s'exposer, au moins une fois, à ce type de questions de la part de l'employeur au cours de sa vie professionnelle: «Sinon, comptez-vous avoir un enfant dans les prochaines années?»... Ou encore, à l'annonce d'une grossesse: «Mais comment avez-vous pu me faire ça, à moi???» D'autres auront pu expérimenter l'indicible joie de découvrir, à leur retour, qu'elles ont été remplacées au cours de leur congé maternité.
Ca n'a en effet rien d'un secret: la maternité est au coeur des inégalités hommes-femmes. Une grossesse pénalise les femmes professionnellement. Pire, le travail peut être une entrave à la grossesse. Selon un baromètre Ipsos/Elle, «20% des femmes en couple ont déjà reporté voire renoncé à avoir un enfant pour des raisons professionnelles».
Un dilemme que ne connaissent pas ou peu les hommes dans la mesure où devenir père augmente les chances d’être engagé ou de gagner plus d’argent.
La tentation est grande alors de dissimuler une grossesse le plus longtemps possible à l'employeur afin de limiter au maximum les discriminations. Selon un autre sondage, un tiers des femmes auraient déjà caché un début de grossesse à leur employeur parce qu'elles craignaient des incidences sur leur carrière.
Ce serait en réalité plutôt une mauvaise idée. C'est ce que conclut un consortium d'universités et l'organisation à but non lucratif Connection après avoir analysé trois études menées sur des centaines de femmes enceintes.
Les auteurs de l'enquête ont d'abord constaté que ces femmes se divisaient en deux catégories: celles qui ont caché leur grossesse à leur employeur le plus tard possible en usant de divers stratagèmes (en portant des vêtements plus larges, en dissimulant leurs nausées matinales...); et celles qui ont annoncé publiquement leur grossesse sans donner davantage de détails et en s'attachant à travailler exactement le même nombre d'heures qu'auparavant.
Les chercheurs ont constaté que ces dernières ont, dans leur grande majorité, pu retrouver leur emploi à leur retour de congé et n'ont souffert ni de discriminations ni de surmenage. Des effets qui n'ont pas été constatés sur celles qui ont dissimulé tardivement leur grossesse.
Une différence que l'une des co-auteures de l'étude explique par le fait que les femmes qui ont annoncé leur grossesse «ont développé une stratégie proactive qui leur a permis d'avoir le sentiment de contrôler leur vie professionnelle». Autrement dit, le fait de cacher sa grossesse dépossède les femmes du contrôle qu'elles ont sur leur activité professionnelle, les place en position de faiblesse et se transforme alors en prophétie autoréalisatrice.
Si le raisonnement peut sembler un brin simpliste, Bloomberg, qui relaie l'étude, précise néanmoins que, si assumer sa grossesse tout en abattant la même charge de travail peut en effet être une bonne stratégie, elle n'est évidemment pas à la portée de toutes les femmes dans la mesure où les complications liées à la grossesse peuvent affecter la qualité de leur travail, les amener à travailler moins ou à s'absenter. Les femmes concernées par ces complications auront beau avoir assumé leur grossesse tôt et jurer la main sur le coeur que cela n'entravera pas leur travail, et n’être en rien responsables des complications liées à leur état, elles n'en seront pas moins discriminées.