Depuis qu'ils se fréquentent dans les sommets franco-allemands et les Conseils européens, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy n'ont jamais entretenu des relations très chaleureuses. Mais il en va de même pour les «couples» qui les ont précédés. Nécessité fait loi.
La crise financière et économique aidant, la chancelière et le président de la République se sont rendu compte que de leur accord dépendait la capacité de l'Union européenne (UE) à faire progresser ses idées et ses intérêts.Tous les deux ont compris que l'Europe serait d'autant plus écoutée qu'ils parviendraient à convaincre le Premier ministre britannique de travailler avec eux. La préparation du G20 de Pittsburgh, les 24 et 25 septembre, vient d'en apporter la démonstration. Après avoir hésité, Gordon Brown a fini par signer la lettre préparée par ses collègues allemand et français, qui plaide entre autres, contrairement aux souhaits des Américains, pour un plafonnement des bonus accordés aux traders et aux banquiers. Il est vrai que les «relations spéciales» entre Londres et Washington ne sont plus ce qu'elles étaient encore du temps de Tony Blair et de George W. Bush.
Cette connivence entre les trois «grands» européens n'est pas une garantie de succès mais elle donne à l'Europe une cohésion qui lui a fait défaut dans le passé, notamment en 2003 au moment du déclenchement de la guerre en Irak. Peut-elle s'étendre à d'autres domaines que le traitement de la crise financière? Ce serait souhaitable. Les sujets ne manquent pas sur lesquels l'Europe est invitée à intervenir d'une manière plus active et plus cohérente. Elle a essayé pendant des années en Iran, avec les trois mêmes protagonistes, les Allemands, les Britanniques et les Français. Si elle n'a pas atteint son objectif —amener Téhéran à suspendre sinon à arrêter son programme nucléaire militaire—, au moins a-t-elle attiré l'attention sur un dossier pour lequel, à l'époque, les Américains, occupés en Irak et en Afghanistan, ne manifestaient pas un grand intérêt.
Aujourd'hui que Barack Obama veut allier la fermeté à l'ouverture vis-à-vis du régime iranien, le soutien d'une Europe unie est d'autant plus crucial que les deux autres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la Russie, ne paraissent pas disposés à appliquer de nouvelles sanctions.
L'Afghanistan est un autre exemple où une politique commune de l'Union européenne serait la bienvenue. La France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne ont toutes les trois des troupes dans ce pays mais leurs statuts sont très différents. Les Britanniques se battent dans les régions les plus exposées et déplorent déjà plus de deux cents morts dans leur rang, alors que les Français et les Allemands, tout en payant un lourd tribut, hésitent à s'engager pleinement aux côtés des forces américaines. Dans les trois pays, la perplexité des gouvernements sur l'issue de la guerre est la même, comme l'hostilité des opinions publiques à la poursuite de l'aventure. Paris, Londres et Berlin ne devraient-ils pas s'entendre avant de discuter avec Washington d'un éventuel changement de stratégie sur les pentes de l'Hindou Kusch?
On pourrait citer encore les rapports avec la Russie. Les trois «grands», pour ne parler des autres membres de l'UE, vont à Moscou en ordre dispersé, les Allemands étant les plus avides de faire des affaires avec les Russes.
Malgré l'accueil triomphal qui a été réservé en Europe à Barack Obama tant pendant la campagne électorale qu'au moment de son élection, la nouvelle administration ne semble pas apporter une attention privilégiée aux relations avec l'Europe. Dans l'entourage du nouveau président, on explique cette distance par l'incapacité supposée des Européens à parler d'une seule voix. C'est un défi qu'Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et Gordon Brown devraient relever. Il serait paradoxal qu'après avoir réclamé cette unité européenne, les Américains ne tiennent aucun compte des propositions de ceux qui restent, envers et contre tout, leurs meilleurs alliés.
Daniel Vernet
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Image de Une: Angela Merkel, Gordon Brown, Nicolas Sarkozy et Barack Obama Alessandro Bianchi / Reuters