L’année 1905 représente une date mythique de l’histoire du socialisme français, celle de l’unité politique enfin réalisée, gage de succès futurs, voire de l’avènement proche d’une société socialiste, pouvait-on alors penser. Le congrès de la salle du Globe, 8 boulevard de Strasbourg à Paris, qui se déroule du 23 au 25 avril 1905, rassemble en effet l’essentiel des forces se réclamant du socialisme en France.
Désormais, selon sa dénomination officielle, il n’existe plus qu’un seul «parti socialiste, section française de l’Internationale ouvrière». L’expression «SFIO» n’est guère utilisée avant la guerre. Les militants comme la presse préfèrent utiliser le terme de «parti socialiste». Ajouter le qualificatif «unifié» est plutôt le fait des adversaires, qui apportent ainsi une nuance moqueuse, presque péjorative.
L’événement fondateur, le congrès d’unification, ne connaît pas sur l’instant de véritable retentissement. La réunion se tient à huis clos, sans grands discours, et s’assimile, selon l’expression de l’historienne Madeleine Rebérioux (1920-2005), à un «congrès de notaires». Les représentants des diverses organisations contractantes ratifient la déclaration d’unité et les dispositions qui ont au préalable été négociées et approuvées par les uns et par les autres.
Les acteurs de l’unité
Il n’est sans doute pas inutile de rappeler que la notion de parti ne prend son sens moderne d’organisation constituée avec des statuts, un programme, des adhérents, des réunions, une direction qu’au tournant de 1900 et que les socialistes jouent un rôle pionnier dans cette émergence.
En avril 1905 prennent donc part à la fusion le Parti socialiste français animé par Jaurès, Briand et Viviani, le Parti socialiste de France de Jules Guesde et Édouard Vaillant, le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire de Jean Allemane et sept fédérations autonomes. Ces partis sont de formation récente car le processus d’unification s’est étendu sur plusieurs années avec divers rebondissements. La demande d’unité s’est d’abord affirmée dans un contexte de progression générale des thèmes socialistes (visible lors des élections législatives de 1893 avec plusieurs dizaines d’élus et environ 5% des suffrages). Les succès des élections municipales de 1896 laissent ensuite espérer un rapprochement, mis à mal par des rivalités dont témoigne en 1897 la mêlée pour prendre le contrôle du quotidien parisien La Petite République... Les remous de l’affaire Dreyfus et l’agitation nationaliste parviennent à entraîner la constitution d’un comité de vigilance (16 octobre 1898), dont Jaurès préside la réunion constitutive, transformé en comité d’entente des organisations socialistes (27 novembre 1898).
Cette première tentative d’unification socialiste aboutit à un échec. Après un premier congrès parisien houleux salle Japy (3-8 décembre 1899), le deuxième tenu salle Wagram (28-30 septembre 1900) voit le départ des guesdistes du Parti ouvrier français. Ceux-ci sont imités au congrès de Lyon (26-28 mai 1901) par les militants du Parti socialiste révolutionnaire (Vaillant, Sembat...).
Toutefois, les cartes sont redistribuées. Les socialistes qui soutiennent la «défense républicaine» de Waldeck-Rousseau[1] se retrouvent dans le Parti socialiste français constitué à Tours (2-4 mars 1902). Leurs adversaires «antiministérialistes» du Parti ouvrier français et du Parti socialiste révolutionnaire forment l’Unité socialiste révolutionnaire qui devient le Parti socialiste de France (PSDF) au congrès de Commentry (26-28 septembre 1902). Aux élections législatives d’avril-mai 1902, les premiers obtiennent environ 430.000 voix (5% des suffrages, 36 députés), les deuxièmes 340.000 voix (4%, 12 députés) tandis que les allemanistes, les inclassables et les autonomes recueillent 100.000 voix (un peu plus de 1 %).
Les deux partis sont membres de l’Internationale socialiste. Ils se retrouvent au congrès d’Amsterdam (14-20 août 1904) et confrontent leurs thèses. Les votes sont plutôt favorables à celles du PSDF mais les responsables de l’Internationale veillent à ne prononcer aucune parole excessive et lancent un appel à l’unité. Ils sont entendus, non en raison de leur autorité ou de leur pouvoir, mais, plus prosaïquement, parce que les deux partis français souhaitent dépasser leurs divisions et se réunir aux meilleures conditions possibles pour chacun.
Vaillant et ses amis comme la gauche du PSF (Renaudel, Longuet, Révelin...) jouent un rôle essentiel dans le rapprochement. L’anticléricalisme des premiers, qui veillent de près aux œuvres scolaires et sociales, est globalement satisfait de l’action laïque menée par le gouvernement Combes avec le soutien de Jaurès. Ils aspirent en outre à sortir d’un tête-à-tête avec les seuls guesdistes. Ces derniers sont divisés, mais la puissante fédération du Nord, ses élus ou ceux qui aspirent à l’être ou à le redevenir, sans doute aussi les militants de la fédération syndicale du textile, bastion guesdiste fortement implanté à Roubaix et dans le Nord, poussent en faveur de l’unité. Guesde comme Lafargue choisissent finalement cette option.
De l’autre côté, Jaurès fait de même malgré les fortes réserves de Briand, Viviani et d’un grand nombre d’élus. Jaurès veut disposer d’une force politique réelle[2], reprendre le dialogue avec les syndicats et les coopératives alors que les possibilités d’action du Bloc des gauches (l’alliance parlementaire des radicaux, radicaux-socialistes, modérés laïques et socialistes du PSF) s’épuisent à la Chambre des députés. Contrairement à une idée reçue, le retrait des députés socialistes (PSF) de la Délégation des gauches précède de plusieurs semaines l’unification. Les contradictions au sein de la gauche parlementaire (des radicaux, voire des modérés laïques, jusqu’aux socialistes) s’aiguisent et rendent difficile le maintien d’une coordination officielle. En outre, Jaurès comme Vaillant sont conscients de la dimension internationale de nombreux problèmes et du danger de guerre. Ils souhaitent que l’Internationale joue un rôle réel, et cela suppose de prime abord l’unification des socialistes français.
L’unité pour quoi faire?
L’unité se fait donc. L’historiographie et de nombreux commentateurs insistent souvent sur la victoire des guesdistes: les proclamations de la déclaration d’unité, les statuts porteraient leur marque. L’appréciation est un peu excessive, voire anachronique.

La première page du compte-rendu du congrès de 1905 (Fondation Jean-Jaurès)
Certes, Jaurès doit accepter des concessions de forme et de fond. Le refus systématique du budget et de la participation ministérielle ne le satisfait certainement pas. Mais il dispose aussi d’un certain nombre d’éléments en sa faveur. Le parti s’organise autour d’une conception fédérale de son action et de ses prises de décision. Constituant en quelque sorte une fédération de fédérations, il ne prétend pas être un organisme centralisateur. Cela correspond aux attentes jaurésiennes, à rebours des propositions traditionnelles des guesdistes.
L’orientation collectiviste ne gêne alors personne chez les socialistes: Jaurès lui-même est profondément convaincu qu’il s’agit de la formule de l’avenir, que l’idée socialiste se réalisera avec une propriété sociale des moyens de production. Au moment où il se bat avec le plus d’énergie pour la «défense républicaine», donc le soutien et la participation à un gouvernement «bourgeois» –essentiellement modéré d’ailleurs, même pas radical, mais laïque et fermement opposé à l’agitation nationaliste–, il rappelle que la lutte des classes doit être «le principe, la base, la loi même de notre parti». La démocratie politique, l’action propre des syndicats et des coopératives sont supposées éviter toute forme d’étatisation pernicieuse. Pour le reste, Jaurès a confiance. La pratique politique, l’intervention des socialistes dans les assemblées locales et nationales, bientôt sans doute celle des syndicats et des coopératives dans l’économie nationale, auront raison des formules dogmatiques.
Globalement, cette confiance est partagée par les divers contractants, avec sans doute quelques arrière-pensées différentes sur l’évolution du socialisme français. Les tensions sont parfois fortes, les rivalités bien avérées, mais une histoire interne du parti socialiste avant 1914 pourrait aisément montrer que, dès que les relations semblent atteindre un seuil critique, les principaux dirigeants s’entendent pour diminuer la pression. C’est ainsi, au moins en partie, que Jaurès peut triompher au congrès de Toulouse (15-18 octobre 1908). Lorsqu’il est menacé d’être mis en minorité par une coalition d’opposition sur la question des retraites (congrès de Nîmes, 6-9 février 1910), une entente unanime permet que le renversement n’ait pas lieu. Quand Charles Rappoport s’aventure trop loin dans la polémique au congrès de Saint-Quentin (16-19 avril 1911), il se retrouve mis au ban par ses nouveaux camarades de tendance guesdiste. Seul Jean Allemane, sans doute vexé par son échec électoral (mai 1910) non suivi d’un reclassement honorable dans le parti ou à L’Humanité, semble ne pas trouver son compte dans l’unité socialiste. Il entre dès lors dans une dissidence à vrai dire très limitée et sans grand écho.
Il peut donc exister au moins deux manières d’évoquer l’histoire du socialisme après 1905. Certains s’attachent aux controverses de doctrine, aux affrontements des congrès ou aux polémiques de presse, choisissant éventuellement de donner raison à tel ou tel sur le fond ou la forme. On peut aussi considérer que ces «misères», pour reprendre une terminologie jaurésienne, n’empêchent personne de travailler: les socialistes «organisent» et «propagandent»... Ils participent pleinement de la politique républicaine, sont membres à part entière du laboratoire de la nébuleuse réformatrice, au Palais-Bourbon comme dans les collectivités locales, parfaitement insérés dans les compétitions électorales. Même si, pour le second tour, les amis de Jaurès parlent plus volontiers de «discipline républicaine» et ceux de Guesde de «l’intérêt du prolétariat», les formules aboutissent concrètement à des attitudes identiques, comme le fait un jour malicieusement remarquer Jaurès.
Les socialistes ne se cantonnent pas à ces activités. Sans reprendre le rôle direct dans les mouvements sociaux qu’ils ont pu jouer quelques décennies plus tôt, ils entretiennent des rapports qui se polissent progressivement avec des syndicats aux attentes et aux méthodes parfois plus vives, comme avec les coopératives ou d’autres mouvements. Ils diffusent aussi des thèmes revendicatifs, des valeurs de combat chargés de l’espérance d’une société différente. Bref, ils font de la politique.
Peut-être faut-il encore noter que, ce faisant, ils ne sacralisent pas outre mesure l’organisation du parti elle-même. Celle-ci constitue un moyen, au même titre que le syndicat ou la coopérative, et le parti ne prend tout son sens que comme élément de l’Internationale. Le but demeure le socialisme comme la libre coopération des esprits et des forces, une humanité organisée «sans dieu, sans roi et sans patron», pour reprendre le mot fameux imaginé par Jaurès comme formule complète du socialisme en réponse (un peu tardive) à Jules Ferry, vingt ans après leur conversation sur l’idéal en politique.
Postérité du jaurésisme et du guesdisme?
Que l’unité socialiste se soit fracturée sur un événement aussi dramatique que la Grande Guerre, avec son cortège de morts, de ruines et de tragédies, ne surprend pas. On s’étonne plutôt aujourd’hui de la facilité avec laquelle les socialistes comme les autres acceptent le déclenchement de la guerre et participent de longues années à l’effort de défense nationale.
Pourtant, cette attitude se conforme au discours socialiste et syndicaliste le plus constant. Les instituteurs en congrès (Lille, août 1905) avaient indiqué que, «passionnément attachés à la paix, ils [avaient] pour devise: Guerre à la guerre, mais [qu]’ils n’en seraient que plus résolus pour la défense de leur pays le jour où il serait l’objet d’une agression brutale». Et, en juillet 1914, Jaurès avait bien signifié: «Quoi qu’en disent nos adversaires, il n’y a aucune contradiction à faire l’effort maximum pour assurer la paix, et, si la guerre éclate malgré nous, à faire l’effort maximum pour assurer, dans l’horrible tourmente, l’indépendance et l’intégrité de la nation. Tant pis pour ceux qui ne croiraient pas à la possibilité de combiner cette double action. Ils se condamneraient eux-mêmes à désespérer ou de la race humaine ou de la patrie.»
La carte d'adhérent au Parti socialiste de Jean Jaurès, en 1913. Via Wikimédia Commons.
L’épreuve malmène le socialisme, identifié à une autre espérance qu’une guerre interminable, ruineuse et homicide. Une minorité s’organise pour réclamer un autre discours que celui de la défense nationale. Elle unit d’anciens jaurésistes (Jean Longuet) et d’anciens guesdistes (Paul Faure), tout comme la majorité du parti. S’il existe un accord pour «tenir» face à l’Allemagne, la durée du conflit et la lourdeur des sacrifices imposés rendent assez compréhensible que la minorité finisse, en octobre 1918, par l’emporter, d’autant que la majorité est de son côté mise en marge des lieux de pouvoir par le gouvernement Clemenceau.

Une affiche éditée en 2005 pour le centenaire du Parti socialiste. Collections Fondation Jean-Jaurès.
Mais l’espoir d’une «reconstruction» presque à l’identique du socialisme français et international dans une Europe qu’aurait vivifiée l’idéalisme démocratique du président Wilson, puissant en 1919, ne peut se maintenir longtemps. Face aux difficultés de l’après-guerre et à l’espérance plus exaltante apportée par la révolution bolchevique en Russie, à sa promesse d’émancipation prolétarienne, un simple retour aux discours et pratiques du socialisme d’avant-guerre semble dramatiquement insuffisant. La grande majorité du socialisme français, pour des raisons diverses mais convergentes, choisit d’adhérer à la nouvelle Internationale communiste (congrès de Tours, décembre 1920) malgré les mises en garde de Léon Blum, de Jean Longuet et de quelques autres.
Le parti communiste est l’héritier légitime du socialisme français. Outre L’Humanité, il en garde de nombreuses caractéristiques, même s’il connaît une profonde transformation avec la «bolchevisation». Il ne saurait être question de s’étendre sur la part qui revient aux divers éléments à tel ou tel moment de son histoire, dans son expression publique ou ses profondeurs sociologiques. Contentons-nous de remarquer que, si la part du guesdisme incarnée par Marcel Cachin, avec sa pédagogie prolétarienne et marxisante et son sens de la discipline et de l’organisation, est souvent relevée, celle du syndicalisme révolutionnaire dont sont issus Benoît Frachon et tant d’autres ne doit pas pour autant être négligée. Et que, enfin, malgré des éclipses et certaines apparences, la référence à Jaurès ne s’est jamais tout à fait éteinte, pour finalement revenir en force au fur et à mesure que s’épuisait et s’assombrissait le prestige de la révolution soviétique.
La SFIO maintenue, «la vieille maison», ne souhaite pas rouvrir de grands débats doctrinaux face à la concurrence communiste. Elle sanctifie l’unité et les formules de 1905, associant Jaurès, Guesde et parfois Vaillant dans un même culte, chaleureux mais oublieux des divergences et des différences. Symbole du «socialisme de guerre», l’ancien ministre Albert Thomas part pour un demi-exil utile en se consacrant à Genève à la mise en place du Bureau international du travail. La culture pacifiste qui prend l’ascendant chez les socialistes déséquilibre au passage l’héritage jaurésien.
La SFIO connaît bien entendu comme tout parti ses rivalités et ses affrontements de tendances, mais il ne serait guère sérieux de les expliquer en se référant aux débats d’avant 1914. Le pacifisme et la prédilection pour l’apaisement en politique internationale du secrétaire général Paul Faure proviennent bien de son expérience et de ses choix profondément enracinés face aux bouleversements du monde. Ils ne doivent rien au souvenir de Jules Guesde, ministre des gouvernements d’Union sacrée, ou à celui des militants de la Commune qui avaient autant refusé la défaite que le danger de restauration monarchique.
Jaurès est invoqué au moment de la scission de 1933 par les «néos» qui lancent leur Parti socialiste de France sous son patronage. Certes, Pierre Renaudel a été un collaborateur précieux de Jaurès, mais cela ne lui donne pas de droits particuliers à le faire parler en faveur d’une participation ministérielle que Jaurès en d’autres circonstances a parfois soutenue, parfois combattue. De fait, les filiations revendiquées servent à étoffer et à illustrer la présentation des choix des diverses tendances ou des différents leaders. Il serait aussi vain de les prendre au pied de la lettre que de croire attestées les généalogies des grandes familles de la Grèce antique ou de Rome prétendant descendre d’Apollon, d’Héraclès ou de Vénus.
Culture historique et militantisme
Le combat politique a pourtant longtemps besoin de se penser dans une continuité historique, de relier le passé au présent afin de préparer le futur. Le caractère dramatique des événements vécus tout au long du siècle ne peut qu’encourager cette inclination, aidée par une culture scolaire réservant une place importante à l’histoire pour cimenter le sentiment d’appartenance à la nation et à la République.
De nombreux militants, des professeurs et des historiens aident à cette transmission des mémoires. Il y eut un temps où tout militant de gauche devait savoir justifier l’attitude de son parti en 1914 comme en 1936, en 1940 ou en 1956. Il serait trop facile de multiplier les exemples, de l’aide à l’Espagne républicaine au vote des pouvoirs spéciaux ou aux rapports avec Vichy. Un parti doit «organiser» et «propagander», mais aussi se souvenir, comme le dit un jour Jean Longuet, et incarner une mémoire. Le socialisme, «une idée qui fait son chemin», comme le proclame une célèbre affiche des années 1970, entretient la sienne arc-boutée sur les épisodes les plus glorieux: la geste jaurésienne, Blum et le Front populaire, les conquêtes sociales et l’antifascisme, la Résistance.

Une affiche éditée en 1976 pour les quarante ans du gouvernement Léon Blum. Collections Fondation Jean-Jaurès.
Une simplification s’impose inévitablement. Le souvenir de Guesde s’estompe et joue plutôt le rôle de facile repoussoir, assimilé qui plus est à Guy Mollet, bouc émissaire commode du socialisme colonial, des déceptions gouvernementales sous la IVe République et du ralliement sans gloire à l’instauration de la Ve. Il existe sans doute un moment mitterrandien dans les années 1970 où Blum dispose de la primauté car, à la fois ancien allié et adversaire des communistes, européen et homme d’État, il convient mieux à la situation politique.
Mais Jaurès reste une référence commune à toute la gauche, celle des partis comme celle des syndicats ou du mouvement social, du Parlement ou des batailles dreyfusiennes, du patriotisme et de l’internationalisme. Son œuvre redécouverte peu à peu garde sa densité et sa capacité à éclairer des chemins complexes dans un monde où bien des classifications traditionnelles se disloquent. Il devient donc de plus en plus incontournable. Et, alors que, dans les années d’entre-deux-guerres, son souvenir est davantage entretenu dans l’aile la plus modérée du socialisme français, il incarne désormais la fidélité à des idéaux et à un discours de gauche toujours porteurs d’un souhait d’émancipation, voire de rébellion pacifique.
Il ne nous appartient pas de donner des brevets de jaurésisme aux diverses familles de la gauche, actuellement désunie, comme chacun le sait, et encore moins aux motions qui pourraient se retrouver dans tel ou tel congrès, à Poitiers ou ailleurs. L’exercice serait ridicule et purement scolastique. Chacun trouvera son chemin. Pourtant, il nous semble qu’une question posée aujourd’hui conditionne la suite. Si la gauche n’existe plus, ce qui est possible, il vaut mieux laisser Jaurès et d’autres à la critique érudite des historiens, des philosophes et des romanciers. Si elle existe, elle a toujours besoin, non de légendes ou de héros à vénérer, mais de réflexions multiples sur les divers moments de son histoire. Mais on ne pourra pas garder l’un sans l’autre. La gauche et Jaurès sont en France indissociables.
1 — Tournant politique majeur de la IIIe Republique: apres une décennie globalement orientée au centre-droit est investi le 22 juin 1899 un gouvernement qui va des modérés aux socialistes pour régler l’affaire Dreyfus, défendre la République contre les ligues nationalistes et qui annonce un programme réformiste et anticlérical. Retourner à l'article
2 — Les choix unitaires de Jaurès en 1905 ont récemment éte de nouveau critiqués par Vincent Peillon, interviewé dans Jaurès est vivant!, film documentaire de Jean-Noël Jeanneney et Bernard George (2014), comme par Gérard Grunberg au cours de l’émission C dans l’air diffusée le 31 juillet 2014. Retourner à l'article
Cette note a également été publiée sur le site de la Fondation Jean-Jaurès.