France

Grand Paris: osons la suppression de la municipalité de Paris!

Temps de lecture : 3 min

Pour remédier à la coupure Paris/banlieue et pour que la métropole du Grand Paris ne soit pas juste un échelon bureaucratique supplémentaire, une double solution serait de supprimer la municipalité de Paris et de redécouper de nouveaux arrondissements-communes qui s'étendraient de par et d’autre du Boulevard périphérique. Une tribune de Laurent Chalard, géographe.

Sunset on Paris skyline / Elias Gayles via Flickr CC License By
Sunset on Paris skyline / Elias Gayles via Flickr CC License By

La carte administrative de l’agglomération parisienne apparaît comme singulière par rapport aux autres grandes métropoles de la planète, avec une commune-centre de faible superficie et peu peuplée (1/5e de la population totale) dont les limites recouvrent totalement une coupure urbaine majeure, en l’occurrence celle du Boulevard Périphérique, correspondant à d’anciennes fortifications. Cette situation entraîne une opposition entre un «intérieur», que l’on dénomme Paris intra-muros, et un «extérieur», la banlieue, au fonctionnement politique différencié et aux intérêts divergents.

La ville-centre regroupe les activités économiques, les équipements, les symboles du pouvoir, et présente un profil social plus élevé, alors que les autres communes accueillent tout ce dont la capitale n’a pas envie: les activités fortement consommatrices d’espace et/ou sources de nuisances, les populations précarisées… Les autorités politiques parisiennes, quelle que soit leur couleur politique, se comportent de manière égoïste, s’évertuant par tous les moyens à garder le maximum d’activités sur le territoire communal plutôt que d’accepter que certains équipements partent en banlieue, comme en témoigne le projet d’extension de Roland Garros sur les serres d’Auteuil.

Face à ce constat, qui n’a rien de nouveau, deux solutions se présentent à l’Etat dans l’optique de la gestion du Grand Paris.

La première est de considérer que la coupure Paris/banlieue du fait de ses caractéristiques, à la fois politique et morphologique, est pérenne et qu’aucune politique ne pourra réellement modifier la donne en profondeur. Dans ce cas-là, la métropole du Grand Paris, telle qu’elle est conçue à l’heure actuelle, ne servira pas à grand-chose et ne permettra pas de recoudre la métropole, puisqu’elle va instaurer une concurrence avec la municipalité de Paris. Au mieux, ce sera juste un échelon bureaucratique supplémentaire, qui coûtera plus cher au contribuable qu’il ne lui rapportera. Au pire, des tensions politiques bloquant les projets se produiront, venant compliquer la gestion de l’agglomération, à l’opposé de l’objectif affiché au départ.

A contrario, la seconde solution consiste à prendre le contre-pied de ce raisonnement. L’Etat estimant qu’il n’est pas satisfaisant dans le cadre de la concurrence internationale entre les grandes métropoles qu’une coupure majeure scinde le territoire du Grand Paris en deux, il s’engage dans une politique extrêmement volontariste visant à faire disparaître la frontière administrative, dans l’optique de pouvoir ensuite recoudre Paris et sa banlieue. Dans ce cadre, il conviendrait de réorganiser en profondeur le paysage institutionnel parisien, à travers deux grandes décisions.

Dans un premier temps, il s’agit de supprimer purement et simplement la municipalité de Paris, puisque de par sa puissance démographique, économique et politique, elle bloque mécaniquement tout projet métropolitain. Les autres acteurs, ne pouvant discuter à égalité avec elle, se sentiront toujours dominés tant qu’elle existera. Ses compétences seraient consécutivement réparties entre d’un côté la métropole du Grand Paris, recouvrant Paris et la Petite Couronne, pour les compétences jugées stratégiques (dont le plan local d’urbanisme), et les arrondissements devenus des communes comme les autres pour les compétences relevant du local (les écoles par exemple). Cependant, cette disparition ne règlerait pas totalement le problème, dans le sens que les limites des arrondissements-communes correspondraient toujours au Boulevard Périphérique.

En conséquence, la seconde décision majeure consiste à s’affranchir définitivement de la coupure urbaine, en mettant fin à sa concordance avec les limites des arrondissements. Il s’agirait de redécouper les nouveaux arrondissements-communes de telle sorte qu’ils s’étendent de par et d’autre du Boulevard Périphérique par leur fusion avec des communes limitrophes, par exemple, le 16e arrondissement avec Boulogne-Billancourt, le 14e avec Montrouge, le 12e avec Charenton-le-Pont et Saint-Mandé, le 19e avec Pantin et le Pré-Saint-Gervais, etc… Les nouvelles communes seraient obligées d’avoir une réflexion dépassant la coupure urbaine, désormais au cœur de leur territoire, ce qui entraînerait sa disparition progressive au fur-et-à-mesure du temps. Il n’y aurait plus d’intra et d’extra-muros. Parallèlement, les arrondissements centraux de la capitale (du 1er au 8e), relativement peu peuplés, pourraient être fusionnés pour atteindre une taille critique (300.000 habitants environ).

Pour les spécialistes de la question, ce projet doit paraître grandement utopique et irréaliste, semblant sortir des élucubrations (ou plutôt relevant de la provocation) d’un chercheur déconnecté des réalités politiques locales. Néanmoins, l’auteur de ces lignes aimerait faire comprendre aux décideurs politiques nationaux, les seuls qui peuvent réellement faire évoluer les choses, la difficulté de réussir à faire de Paris une métropole concurrentielle à l’échelle mondiale sans un aggiornamento considérable de sa structure administrative obsolète et inadaptée à la mondialisation. Le petit Paris de 2,2 millions d’habitants apparaît bien «minable» comparé à Moscou (près de 12 millions d’habitants), Istanbul (plus de 14 millions d’habitants) ou Londres (plus de 8 millions d’habitants), pour ne rester qu’en Europe, et la coupure physico-administrative interne, unique en son genre, constitue un frein considérable à son développement. Or, le projet de métropole du Grand Paris, tel qu’il se présente à l’heure actuelle, avec une municipalité de Paris demeurant omnipotente, ne répond pas du tout aux enjeux.

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