Les supraconducteurs font partie des graals de la physique contemporaine. Comme le boson de Higgs, découvert en 2012... grâce aux aimants supraconducteurs du Cern. Dans un matériau supraconducteur, la résistance électrique est nulle.
La découverte de ce phénomène engendré par la physique quantique remonte à plus d’un siècle. C’est au physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes, qui avait réussi à liquéfier de l’hélium en 1908, qu’on la doit. Depuis, les scientifiques s’arrachent les cheveux pour comprendre le fonctionnement de la supraconductivité et en déduire le moyen de l’utiliser à haute température. Car les enjeux sont de taille.
1.DemainDes skateboards flottants
Si des matériaux pouvaient être supraconducteurs à des températures avoisinant les 20°C, la face du monde et notre vie quotidienne en seraient substantiellement changés. Nous pourrions marcher sur des semelles sans contact avec nos pieds, porter des bijoux en lévitation sur notre peau, nous déplacer sans frottements sur des skateboards flottants.
Voici ce que cela donnerait:
Toutes les lignes à haute tension seraient enterrées
Côté environnement, les effets de la supraconductivité seraient encore plus spectaculaires. Toutes les lignes électriques à haute tension seraient enterrées car remplacées par de petits câbles capables de transporter 10.000 fois plus de courant que ceux d’aujourd’hui.
On pourrait stocker beaucoup plus facilement cette même électricité, ce qui donnerait un coup de pouce aux énergies renouvelables non continues (solaire, éolien...). Et les trains à lévitation magnétique remplaceraient les bons vieux TGV à roues. Un autre monde.
2.Aujourd'huiDes trains à lévitation magnétique
En attendant, nous devons nous contenter d’applications de la supraconductivité contraintes par l’épineux problème du refroidissement. Bien sûr, quelques progrès ont été réalisés en un siècle.
Au tout début, il fallait que la température du matériau ne monte pas beaucoup au-delà du zéro absolu, c’est à dire -273,15 degrés Celsius. Dans les années 1980, les chercheurs ont trouvé des alliages (yttrium, barium, oxyde de cuivre, ou YBCO –CO pour copper oxide en anglais) permettant de faire monter cette température critique vers les -200°C. Un progrès considérable parce que l’on peut utiliser des gaz liquides comme l’azote (-196°C), peu coûteux.
Relier Tokyo à Osaka en moins d'une heure avec un train
à 600 km/h
Déjà, les supraconducteurs sont utilisés dans l’une des versions (à sustentation électrodynamique, ou EDS) du Maglev, le train à lévitation magnétique développé au Japon. Ce pays a annoncé, fin 2014, son projet de ligne pour relier Tokyo à Osaka en moins d’une heure, soit la moitié du temps de trajet actuel, à l’aide d’un train Maglev se déplaçant à près de 600 km/h. Coût estimé du projet: 90 milliards de dollars à l’horizon 2027... Les Japonais rêvent d’exporter leur technologie aux États-Unis pour relier Washington à New York en moins d’une heure.
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Pour nous faire une idée de cette lévitation, les chercheurs français, dont Julien Bobroff, avaient mis au point un MagSurf en 2011 pour la fête de la science. Nous l’avions alors filmé:
Déjà, aussi, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) exploite des aimants supraconducteurs pour faire vibrer les noyaux des atomes d’hydrogène de notre corps et fournir des clichés stupéfiants de l’intérieur de notre organisme sans l’exposer à la moindre irradiation.
La recherche sur la supraconductivité nous tient tous en haleine. Quand va-t-elle aboutir? Mystère. Les chercheurs travaillent sur l’explication du phénomène. Au MIT, ils pensent avoir découvert les lois fondamentales qu’il cache. Ceux de l’université de Manchester sont en train de développer du graphène supraconducteur, un matériau en phase d’exploration qui pourrait devenir aussi indispensable aux joueurs de Roland-Garros qu’aux fabricants de smartphones. Enfin, ceux du Max Planck Institute ont publié fin 2014 des résultats montrant que, en lui appliquant un faisceau laser pulsé dans l’infrarouge, l’alliage YBCO devient supraconducteur à température ambiante. Mais cela ne dure que quelques millionièmes de milliseconde. Il faut donc encore attendre. Patience!
Cet article est publié dans le cadre d'un dossier innovation en partenariat avec le prix EDF Pulse.