C'est l'information du jour dans le milieu du football: Sepp Blatter, le président de la toute puissante Fifa, a déclaré dans une interview à la chaîne suisse RTS que l'attribution tant critiquée de la Coupe du monde 2022 au Qatar a été «une erreur». Voici le passage en question:
«Vous savez, on commet beaucoup d'erreurs dans la vie. Le rapport technique du Qatar indiquait bien qu'il fait trop chaud en été, mais le comité exécutif, avec une majorité assez large, a quand même décidé qu'on va jouer au Qatar.»
Une déclaration qui a surpris une partie des médias –certains allant même jusqu'à à écrire que c'était la «première fois» que Blatter faisait un tel aveu– mais qui n'est en fait pas du tout étonnante. D'abord parce que dès septembre 2013, le président de la Fifa avait estimé dans une interview au site Inside World Football que l'attribution au Qatar avait «peut-être bien été une erreur».
Surtout, cette déclaration est à prendre dans son contexte: Sepp Blatter est en campagne pour sa réélection. S'il n'a pas encore déposé officiellement sa candidature (le processus s'ouvre en janvier 2015), il a à nouveau répété son «envie» et sa «volonté» de continuer au cours de l'interview à la RTS.
Et en habile personnage politique qui a su consolider sa place à la tête de la plus puissante fédération sportive du monde depuis son élection en 1998 et a déjà réussi à se faire réélire trois fois, il sait qu'il ne fait pas bon se montrer trop enthousiaste vis-à-vis du Mondial qatari, dont l'image est gravement ternie par les soupçons de corruption, les conditions de vie des travailleurs étrangers ou encore la très probable tenue de la compétition en hiver.
D'autant plus que le seul candidat potentiel qui aurait une chance de le déloger, Michel Platini, a voté pour le Qatar après avoir été convié à un rendez-vous controversé à l'Elysée avec le président français d'alors Nicolas Sarkozy et l'émir du Qatar, alors que Blatter a donné son vote aux Etats-Unis.
Sepp Blatter a d'ailleurs profité de son interview à la RTS pour rappeler que le Qatar a bénéficié de «poussée politiques aussi bien en France qu'en Allemagne» et qu'il voyait mal «le chef d'Etat suisse convoquer le président de la Fifa à Berne pour dire "tu devrais voter ceci ou cela"», ajoutant:
«On sait très bien que de grandes maisons françaises et de grandes maisons allemandes travaillent au Qatar.»
Ce n'est pas non plus la première fois que Blatter pointe du doigt les pressions politiques des dirigeants européens, ce à quoi Michel Platini avait répondu non sans humour en septembre 2013:
«Avec l'influence extraordinaire qu'a Monsieur Blatter, il vient à peine de réaliser qu'il y a des influences politiques et économiques quand on décide qui sera l'hôte des Jeux olympiques etc.? Mieux vaut tard que jamais j'imagine.»
Espérons que Michel Platini, qui est un ancien protégé du président de la Fifa, décidera finalement de se présenter à la présidence de la Fifa, pour que Blatter ne soit pas l'unique candidat sérieux comme à chaque fois, et pour qu'on rigole un peu.