Combien vaut le Parc des Princes? Impossible de le dire et pourtant il faudra bien mettre un prix sur la carcasse en béton de la célèbre arène sportive parisienne si la mairie de Paris, propriétaire des lieux, décidait de le mettre en vente.
En effet, Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet ont indiqué qu’elles n’étaient pas opposées à cette idée dans le cadre de la campagne municipale alors que le Paris Saint-Germain, locataire du stade du XVe arrondissement pour environ 1,5 million d’euros par an à partir de 2014, devient l’un des acteurs principaux du football européen.
«Pour moi, ce n’est pas du tout un sujet tabou, a affirmé Anne Hidalgo lors d’une rencontre organisée par le club Sport et démocratie. C’est une question qui peut se discuter.»
«Pour moi, le Parc des Princes est intimement associé au PSG, a repris Nathalie Kosciusko-Morizet face aux mêmes interlocuteurs. Donc pourquoi ne pas aller plus loin?»
Soucieux d’être les maîtres chez eux, les Qataris, les propriétaires du club parisien, pourraient trouver intérêt à mettre la main sur un stade dont la capacité pourrait passer de 47.000 en 2016 après les travaux consécutifs à l’organisation de l’Euro de football à 60.000 places dans un avenir plus lointain. Jean-Claude Blanc, le patron du PSG, qui veut faire du Parc des Princes «un temple du football», a d’ailleurs des idées sur la question comme il l’avait indiqué au Parisien en décembre.
De 1 euro à 130 millions
Il imagine ainsi autour du stade «des espaces verts supplémentaires, une fan zone pour les enfants, une colline à l’instar de celle de Wimbledon d’où suivre la rencontre sur un écran géant, des grandes zones, ouvertes et gratuites, à l’image de ce qui se fait au Staples Center de Los Angeles». Une gageure compte tenu de l’environnement actuel du Parc des Princes et qui, entre autres, impliquerait le probable déménagement de quelques voisins actuels pour laisser de la place à ce «PSG Land».
Inauguré en 1972, le Parc des Princes n’est pas seulement lié au PSG, comme le laisse entendre Nathalie Kosciusko-Morizet. Il incarne aussi une partie de l’histoire du sport français pour avoir notamment abrité les matchs de l’équipe de France de football, qui y fut sacrée championne d’Europe en 1984, ou ceux du XV de France.
C’est un monument parisien, national, comme peuvent l’être d’autres édifices classés de la capitale. Il fait partie de son patrimoine. Le vendre, comme le suggèrent avec légèreté les deux principales candidates à la mairie de Paris, c’est mettre au clou un bien joli bijou de famille parfaitement ciselé par le génie de Roger Taillibert, son architecte. Et pourquoi ne pas mettre aux enchères l’Arc de Triomphe?
Dans un récent numéro, L’Equipe s’est amusé à tenter d’évaluer le prix de cette enceinte véritablement faite pour le football, contrairement au Stade de France. Et les avis des spécialistes interrogés divergeaient, c’est le moins qu’on puisse dire. Entre l’euro symbolique d’un premier expert, dû, selon lui, à la dépréciation des installations vieilles de 40 ans, et les 130 millions d’euros d’un autre consultant, il y avait comme un grand écart démontrant surtout que le Parc des Princes n’a tout simplement pas de prix.
Des chiffres d’autant plus faibles et absurdes que le Stade Jean-Bouin, qui vient d’être inauguré à l’ombre du Parc des Princes pour accueillir les rencontres de rugby du Stade Français, a coûté la bagatelle de quelque 200 millions d’euros pour une capacité deux fois moindre que celle de l’antre du PSG.
Heureusement, Jean-Claude Blanc indique, pour le moment, que le PSG n'est pas preneur d'un stade âgé de plus de 40 ans, sa priorité actuelle étant d’augmenter la part des places ouvertes aux opérations de relations publiques de plus en plus rémunératrices au fil des résultats probants de son club.
A Marseille, Patrick Mennucci, le candidat socialiste qui rêve de renverser Jean-Claude Gaudin, estime, lui, le Stade-Vélodrome à 300 millions d’euros après les travaux qui le rénovent actuellement à grands frais toujours dans la perspective de l’Euro 2016.
Un véritable enjeu à Marseille
Car si le Parc des Princes n’est pas un enjeu de la campagne municipale parisienne, le Stade-Vélodrome se retrouve, lui, au milieu des joutes politiques qui opposent les trois candidats les plus emblématiques: Jean-Claude Gaudin, qui se refuse à vendre le fief de l’Olympique de Marseille, Patrick Mennucci, qui a lâché sa bombe au cœur de l’été, et Pape Diouf, l’ancien homme fort de l’OM qui s’est lancé en politique et pense, comme Mennucci, que le Vélodrome peut être cédé en demandant que «le futur acheteur s’engage irrévocablement à ne jamais revendre le Stade à un promoteur susceptible de le détruire pour en faire autre chose».
Au cœur de la polémique sont venus s’ajouter le coût et le financement des travaux actuels et la révélation du faible loyer payé par l’OM pour occuper le Vélodrome: 54.000 euros par an, soit 0,03% du chiffre d’affaires du club phocéen!
Fin janvier, Patrick Mennucci a remis les gaz dans les colonnes de La Provence en souhaitant vendre le club et le stade:
«On ne peut pas continuer avec une équipe qui n’intéresse pas les Marseillais, s’est-il emporté. Il faut qu’un investisseur achète l’OM et injecte de l’argent pour le stade. Depuis qu’on a dit que la vente était possible, des investisseurs sont intéressés. Mais il peut s’agir de Margarita (NDLR: Louis-Dreyfus) aussi. Une chose est sûre: si je suis élu, je mettrai la pression pour y arriver. Je pense qu’en un an on peut finaliser la vente.»
Dans France-Football, Jean-Claude Gaudin a répliqué avec des accents pagnolesques:
«Qui sont ces investisseurs?, s’est-il insurgé. Les émirs du Golfe? Il ne nous manquerait plus que ça! Nous ne sommes pas le PSG, nous avons une autre tradition ici. Nous avons la famille Louis-Dreyfus, nous n’avons pas besoin de solliciter un partenariat avec le Qatar. J’espère et souhaite que Margarita fera les efforts nécessaires le temps qu’elle pourra. Nous avons eu des mauvaises expériences comme ce type, là, Kachkar. Je n’avais pas voulu le recevoir à l’Hôtel de ville, je me suis toujours méfié, je ne le sentais pas, le mec. Et je n’ai jamais pu discuter avec lui, car lui parle anglais, et je ne parle anglais qu’avec Charles Pasqua.»
Loin de ces galéjades qui agitent le Vieux port, la campagne parisienne continue, elle, de suivre le flot paisible de la Seine. Nathalie Kosciusko-Morizet, qui avait une chance de prendre facilement Anne Hidalgo à contre-pied sur la pelouse du Parc des Princes dans le cadre de cette vente éventuelle, s’est contentée de redonner le ballon à l’adversaire. Elle n’a pas été, il est vrai, plus offensive dans le dossier de l’agrandissement de Roland-Garros où, écolo parmi les écolos, elle aurait pu aisément monter au filet face à Anne Hidalgo qui a trahi la parole de Bertrand Delanoë.
En 2006, en effet, celui-ci excluait d'utiliser le périmètre des serres d'Auteuil (classées) pour les activités du tournoi avant d’oublier ses promesses en faisant adouber le projet d’extension qui «mange» en partie les serres. Défaite en rase campagne de l’écologie, que Nathalie Kosciusko-Morizet a acceptée sans broncher, sans contester, comme le signe supplémentaire d’une campagne à côté de la plaque.
Le sport professionnel, vrai enjeu à Marseille, consensus mou à Paris. Dommage pour qui?
Yannick Cochennec