Chaque samedi, Louison chronique un objet ou un événement de notre quotidien.
Vous vous souvenez que dans le monde d'avant, quand quelqu'un d'assez jeune voulait appuyer le caractère un peu abusif d'un comportement ou d'une requête d'un autre jeune, il ou elle ponctuait sa réponse d'un: «Et puis tu veux pas cent balles et un Mars aussi?»
Dans le monde d'après, les jeunes ne peuvent plus trop se dire ça. D'abord parce qu'il y a de l'huile de palme dans cette catastrophe calorique et que c'est à cause de ça qu'on va tous mourir un jour. Mais surtout parce que les jeunes ont la dalle, que le gouvernement pour lequel ils ont voté par peur du fascisme les affame et que, du coup, la perspective d'une barre chocolatée gratos à laquelle on ajouterait 15,24 euros de pouvoir d'achat en plus sur un panier de courses ne prête plus trop à la blagounette.
L'estomac est un organe complexe qui, s'il gargouille trop, est capable d'impacter directement la zone du cerveau qui permet d'avoir un sens de l'humour.
Car oui, les jeunes, tout comme leur système digestif, manquent d'humour ces temps ci.
C'est le problème quand on manque de tout, j'imagine. C'est peut-être aussi la conséquence de devoir passer des heures à faire la queue, dans le froid, après des journées passées à suivre des cours d'une voie avec de moins en moins de débouchés, et à effectuer des petits boulots aussi pénible que de devoir filmer Valérie Pécresse quand elle fait une vidéo pour répondre à Beyoncé, le tout pour récupérer un petit sac de choses à manger et la bonne quantité de seum qui va avec.
Ce manque d'humour vient peut-être aussi du fait de devoir sacrifier ses soirées d'un tout début de vie d'adulte où il n'y a enfin plus personne pour nous dire que la fête est finie, que maintenant faut remettre son manteau pour rentrer, que c'est pipi, les dents et au lit. Peut-être que c'est pas la meilleure façon de commencer à vivre comme un grand que d'apparaître de dos, avec un bonnet sur la tête et un cabas réutilisable et vide comme son ventre à la main, dans des vidéos de journalistes de médias en ligne.
Rappelons que d'habitude, la vie étudiante est plutôt faite de révisions à l'arrache, d'happy hours suivies religieusement, et de révisions encore plus à l'arrache, rapport au fait qu'on a une gueule en bois de pinède de forêt certifiée FSC.
Peut-être que je fais des phrases vraiment trop longues et que vous vous demandez si je suis moi-même en hypoglycémie. Je vous rassure, je ne suis plus étudiante depuis longtemps. Je suis trop vieille pour ça, même si grâce aux nombreuses démonstrations de ce quinquennat, on est désormais certain qu'il n'y a pas de limite d'âge pour sentir flotter dans ses cheveux la douce brise de la précarité.
Peut-être finalement que ça me flingue le moral qu'un gouvernement soit capable de croire et de nous faire croire que le repas à un euro pour les étudiants ne serait pas une bonne mesure pour aider les jeunes à avoir la vie plus douce, car il pourrait y avoir un ou deux fils ou filles de milliardaires dans le lot. C'est bien connu, les enfants de milliardaires, ça adore fréquenter les Crous pour manger des frites molles mais (presque) gratuites.
À moins que le gouvernement ne les aide dès à présent à ne pas vivre avec les 1.200 euros de retraite qu'ils ne toucheront de toute façon jamais...
Allez, vivement lundi.