Chaque samedi, Louison chronique un objet ou un événement de notre quotidien.
Ça vous arrive à vous parfois, mesdames, mesdemoiselles, de chercher le matin, dans votre armoire, ce que vous allez mettre, et au fur et à mesure de vos hésitations et de vos tendances à vous auto-cristinacordulaiser, de faire glisser les vêtements sur la tringle jusqu'à ce qu'un maudit pantalon, une jupe ou une crinoline, décide de vicieusement glisser de son cintre pour finir sa route au fond du meuble. Entre vingt grammes de poussière, douze colonies d'acariens et une paire de Nike qui puent toujours alors que votre dernier jogging a eu lieu quand François Hollande était encore président de la République.
Eh bien voilà la seule chose tragique qui devrait vous arriver avec un cintre.
Et grâce à l'Assemblée l'autre jour et au Sénat cette semaine, cela devrait continuer à être le cas pendant encore longtemps: le droit à l'avortement sera bientôt constitutionnel.
Malheureusement, et j'ai peine à le dire tant je pense que cette institution est elle aussi pleine de poussière et d'acariens, tous les pays du monde n'ont pas la chance d'avoir le même Sénat que nous. Je ne dis pas que la planète se porterait mieux s'il y avait un Gérard Larcher dans chaque pays. D'ailleurs il est à parier que l'environnement s'en relèverait bien mal et que l'espèce bovine serait éteinte –comme des dodos qu'on aurait trop mangés, avec des frites et la sauce béarnaise à part.
Mais les femmes, elles, vivraient à n'en pas douter une existence plus douce, toutes rassurées qu'elles seraient de savoir que non seulement elles peuvent disposer de leur corps comme elles l'entendent, mais qu'en plus la loi serait de leur côté. Ça leur ferait tout drôle à ces femmes de Madagascar qui risquent dix ans de prison, par exemple.
C'est vrai que dans un pays déjà privé de presque tout, on peut ajouter les libertés fondamentales à la liste des manques, entre l'eau potable et les vaccins. Mais sans aller si loin, il suffit de penser à ces femmes de la principauté d'Andorre, oui, juste là à la frontière avec les Pyrénées. Ah, c'est rigolo les tout petits pays et ça permet de gagner des points au jeu du petit bac, mais là-bas, l'IVG est interdite et les femmes sont obligées de se ruiner en frais médicaux et nuits d'hôtel pour aller faire ça en Espagne ou en France. Ça doit être terrible d'habiter un pays-prison, au milieu d'un continent de liberté.
Car une chose est sûre, les femmes avorteront toujours. C'est une certitude aussi solide que la possibilité que Gérard Larcher reprenne des nouilles à la cantine du Sénat. Elles avorteront toujours, car on ne fait pas venir un enfant au monde quand on n'y est pas préparé, quand on ne l'a pas voulu, quand ce n'est pas le moment. C'est du bon sens. Les femmes le savent, mais les hommes s'obstinent à l'ignorer et, plutôt que de s'interroger sur leur propre fertilité, ils préfèrent faire des lois qui ne les concernent pas.
Un peu comme si Gérard Larcher donnait son avis sur la meilleure façon de faire fermenter du tofu. Ou comme si Gérald Darmanin proposait une loi sur la décence en politique plutôt qu'un dernier verre.
Allez, le combat n'est jamais terminé, mais il continue.
Vivement lundi.