Chaque samedi, Louison chronique un objet ou un événement de notre quotidien.
Un an.
Douze mois.
Trois cent soixante-cinq jours.
Il s'est passé pas mal de choses depuis huit mille sept cent soixante heures. La Terre a fait un tour entier autour de la grosse boule de feu qui nous permet d'avoir bonne mine en été et plus du tout de neige en hiver. Des enfants sont nés, des vieux sont morts, et comme on est dans un monde sens dessus dessous et plein de zones à hautes turbulences sismiques, des enfants sont morts aussi. Aucun vieux en revanche n'est sorti à nouveau du ventre de sa mère, à ma connaissance. Mais on vit aussi dans un monde où Michel Houellebecq tourne dans des films pornographiques amateurs, alors j'imagine que tout est possible.
En un an, l'âge du départ à la retraite a aussi prévu de reculer, les profits des grands groupes pétroliers ont, sans surprise, explosé et atteint de nouveaux sommets.
L'acharnement sur les plus vulnérables, lui, en revanche, est toujours très stable.
Une Première ministre qui n'a pas un nom de crudités a été nommée et alterne une dépendance à la cigarette électronique et au 49.3.
Une reine insulaire presque centenaire nous a quittés. Les prix des supermarchés ont grimpé; ceux qui, il y a trois ans, avaient fait des réserves de PQ et de boîtes de cassoulet s'en sont frotté les mains jusqu'aux doigts de pieds.
Et puis, il y a eu la guerre.
Un an de guerre depuis hier. Un peu plus de trente-et-un millions cinq cent trente-six mille secondes d'horreur, d'exils, de larmes dans les gares devant des trains qui séparent, souvent à jamais, des familles. Un an de bombes qui tombent partout sans distinction, même là où les bébés poussent leur premier cri. Et parfois leur dernier. Un an de civils que l'on retrouve morts avec la même violence, le même acharnement, que ce soit dans leur salon ou dans une fosse commune. Un an qu'une «opération militaire spéciale» a décimé un pays, foutu en l'air des vies, rasé des quartiers entiers, anéanti une légèreté de l'être qui n'avait rien d'insoutenable.
Un an aussi que les hommes et les femmes d'Ukraine montrent au reste du monde, en tout cas à ceux qui ne détournent pas le regard vers le pognon ou le gaz, ce que sont le courage, la résilience, et l'engagement. Un an que des gens comme vous et moi se sont réveillés un matin qui ressemblait à tous les autres matins, sauf que le jean et les baskets prévus la veille au soir étaient devenus un treillis imprimé camouflage, et que le téléphone intelligent ou la bouteille isotherme de café encore chaud qu'on boit dans le métro s'étaient transformés en fusil mitrailleur et gilet pare-balles. Ce qui tombe bien puisque le métro est, lui, devenu abri anti-bombardements.
Un an d'un métavers apocalyptique, où toutes les horreurs sont possibles. Et je ne parle même pas de ces diatribes nauséeuses de chroniqueurs nauséabonds, que l'on trouve à toute heure ou presque sur cette chaîne d'infos dont le nom commence par la même lettre que «caca» et rime en «iouze», et qui soutiennent encore la Russie en se demandant si l'Ukraine ne portait pas une minijupe un peu trop courte qui justifierait quand même pas mal son agression.
Et je ne parle même pas de ce président qui ne veut pas «écraser» l'envahisseur broyeur d'innocents.
Bref, un an de guerre, et toujours la même colère.
Slava Ukraini.
Vivement lundi.