Chaque samedi, Louison chronique un objet ou un événement de notre quotidien.
J'aurais pu envisager ma chronique hebdomadaire à la manière de cet élève ayant répondu à la question «Qu'est-ce que l'audace?» en écrivant «C'est ça» et en quittant la salle d'examen où se déroulait l'épreuve de philosophie du baccalauréat, et ainsi ne pas noircir une ligne de mon texte de cette semaine pour vous parler de la France qui se met à l'arrêt.
Mais de un, cette histoire d'audace est évidemment une légende urbaine, de la même manière qu'il n'y a jamais eu de vers de terre dans les steaks des burgers du McDo ou d'engagement féministe dans l'ADN de Marlène Schiappa.
Et de deux, en tant que femme aux annuités floues, si je commence à faire des trous dans mes fiches de paye, 'suis pas rendue pour m'offrir de la colle à dentier pour quand je prendrai ma retraite complète à 89 ans.
Car oui, n'écoutez pas le bruit de la rue ou les pancartes de carton qui y fleurissent chaque semaine plus nombreuses, le ministre Oliver Je-mange-un-bœuf-cru-au-réveil Dussopt l'a dit: sa réforme des retraites est une réforme de gauche. Dans le sens où après avoir pris une droite en pleine poire quand il a été question de revenir sur l'âge du départ à la retraite, et avant de complètement reprendre ses esprits, on se prend une gauche dans les mandibules en découvrant que ce sont évidemment les plus précaires et les femmes qui vont en bouffer, de la pénibilité. Avec, sans doute, moins d'appétit que ceux qui se gavent de dividendes à coup de petite cuillère aussi argentée que leurs parachutes sont dorés.
Bref, de la même façon que de nos jours les gardes des Sceaux ont visiblement décidé de faire la grève des bonnes manières et des bases de la bienséance, la France des travailleurs et des travailleuses, en somme la France de celles et ceux qui n'ont pas de chauffeur ou de carte de fidélité à la cantine du Sénat, a décidé de montrer ce qui arrive quand elle se met en pause.
Et spoiler alert, ça se passe vachement moins bien quand les plus petites fortunes de France arrêtent de faire rouler les trains ou les métros, ne se lèvent plus à 5h du matin pour ramasser les ordures ou une heure plus tard pour traverser quatre zones de RER et faire cours en faisant attention à ne pas mourir poignardé à la récré.
Alors que quand un milliardaire décide de ne rien faire de sa journée, ça ne change rien à l'organisation des nôtres. Même pas besoin de télétravailler en slip, ni de se mettre au monocycle ou de louer un poney pour se déplacer en toute autonomie. Et même mieux, si les grandes fortunes déclaraient l'entracte, ça ferait juste baisser le taux de particules fines dans l'air et on pourrait enfin éternuer seulement à cause du pollen. Tant qu'il en reste. Ou du moins au printemps. Tant qu'il en reste aussi.
Bref, la France a décidé de se mettre à l'arrêt, car on ne négocie pas avec les terroristes du 49.3. Du coup le président n'est pas content, du coup ses ministres non plus, et du coup certains disent même que c'est mauvais pour les nappes phréatiques de faire grève sans se rendre compte qu'à force de brasser autant d'air ils vont nous retrouer la couche d'ozone comme un fromage suisse.
Du coup, ça donne envie de continuer. Et de manger une raclette.
Vivement lundi.