Chaque samedi, Louison chronique un objet ou un événement de notre quotidien.
C'est l'histoire d'un mec qui doit déménager parce qu'on lui a brûlé sa maison, sa voiture et ses souvenirs. C'est l'histoire d'un mec à qui on a brûlé sa maison, parce que comme il est plutôt sympa et franchement humain, il avait voulu construire un centre pour des gens qui, ironie du sort, avaient dû fuir la leur.
C'est l'histoire d'un mec qui n'a plus de maison ni de boulot, parce que des individus bas du front n'ont pas les yeux en face des trous et n'ont pas lu le mot «fraternité» sur le fronton des mairies. À Saint-Brevin-les-Pins en Loire-Atlantique ou ailleurs.
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C'est l'histoire d'une manifestation en plein Paris au début du mois de mai. Mais ce n'est pas l'histoire de ce genre de manifestations dans laquelle on retrouve des pancartes rigolotes sur les livres de Bruno Le Maire ni des brins de muguet vendus sur des stands coincés entre deux grenades de désencerclement. C'est l'histoire d'une manifestation qui fait froid dans le dos, alors que les températures printanières sont, pour une fois, conformes aux normes de saison.
C'est l'histoire d'une manifestation où se rendent des gens masqués, et pas parce qu'ils ont le Covid ou juste la goutte au nez à cause d'un rhume des foins. Et où tout le monde porte du noir, mais pas parce que ça va avec tout ou que ça affine la silhouette, même après un open bar dans un restaurant de raclette. C'est l'histoire d'une manifestation où, plutôt que des ustensiles de cuisine à fond anti-adhésif et à fort potentiel sonore, on brandit des symboles, plutôt ingrédients à l'immonde et l'innommable.
C'est l'histoire d'un préfet de police qui, deux jours avant les célébrations de la victoire du 8 mai 1945, ne voit pas ce qui pourrait troubler l'ordre public, et laisse défiler des gens qui glorifient ceux qui, quelques décennies plus tôt envahissaient, brûlaient, violaient, fusillaient ou déportaient.
C'est l'histoire d'un gouvernement qui met plusieurs jours à s'offusquer mollement.
C'est l'histoire d'une extrême droite qui, tel un dégât des eaux insidieux, au goutte à goutte, s'infiltre partout, lentement mais sûrement et dans chaque interstice des murs poreux des vieilles pierres de notre société, pour tout aussi lentement et tout aussi sûrement provoquer l'érosion des valeurs républicaines.
C'est l'histoire d'une Première ministre qui, dans la conduite de sa politique, confond sa droite et sa gauche, et plus dangereux encore, oublie de regarder dans le rétroviseur de l'histoire et de son histoire, de celle de sa famille, victime d'une barbarie sur les cendres encore chaudes de laquelle un Front devenu Rassemblement national a proliféré comme un mauvais chancre.
C'est l'histoire d'une Assemblée nationale où les député·es de l'extrême droite, se trouvent à l'extrême droite de l'hémicycle –logique– mais semblent plus fréquentables que celles et ceux assis complètement de l'autre côté. Et là, c'est un peu le monde à l'envers. Et le problème dans ces cas-là, c'est que ça crée une perte de repères pour les uns, tandis que les autres ne perdent pas le nord et avancent tranquillement leurs pions, déplaçant discrètement les curseurs de ce que l'on tolère désormais et qui aurait outré hier.
Alors n'oubliez pas, une casserole n'a jamais jeté personne dans la Seine. Une poêle n'a jamais abattu un ancien joueur de rugby argentin en plein Paris.
L'extrême droite tue.
Hier, aujourd'hui et probablement demain.
Vivement lundi.