Pourquoi envions-nous l'orgasme des cochons? Les gauchers sont-ils davantage intelligents? Quand il pleut, est-ce que les insectes meurent ou résistent? Vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions sans queue ni tête au détour d'une balade, sous la douche ou au cours d'une nuit sans sommeil. Chaque semaine, L'Explication répond à vos interrogations, des plus existentielles aux plus farfelues. Une question? Écrivez à [email protected]
On a tous été confrontés au moins une fois à cette drôle de sensation. Quand on se lève après être resté de longues minutes dans une position inconfortable et que, patatras, notre jambe est engourdie. Terriblement engourdie, au point que l'on se retrouve à marcher à tâtons, pas à pas, maudissant cette sensation désagréable de picotement qui remonte des pieds jusqu'aux hanches. Ces fameuses «fourmis dans les jambes».
Cette impression étrange de fourmillement peut survenir à tout moment, si tant est que l'on positionne un membre d'une manière inconfortable: au cinéma quand on est trop longtemps assis par exemple, ou encore dans un lit, quand notre tête écrase un bras qui finit par être totalement endolori. Si cette sensation déplaisante semble à première vue totalement inutile, elle a pourtant un rôle bien précis: c'est une alerte, un cri de notre corps qui ne rêve que d'une chose, que vous changiez de position avant qu'il ne soit trop tard.
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Rafales et feux d'artifice
Pour comprendre d'où viennent ces fourmis dans les jambes, il faut regarder le fonctionnement du corps humain. Cette machine complexe ne pourrait tenir la route sans un élément essentiel: l'oxygène. Ce dernier est transporté dans le corps grâce aux globules rouges présents dans le sang et distribués par tout un tas de vaisseaux –les artères notamment–, ressemblant à véritable labyrinthe sanguin.
Seulement voilà, toute mauvaise posture ou position du corps peut compresser un ou plusieurs de ces vaisseaux. La circulation sanguine est alors ralentie, et l'apport en oxygène est compromis. Évidemment, ça ne présage rien de bon pour notre corps, qui ne peut pas rester là sans rien faire. Le système nerveux, alerté de la situation par les nerfs sensitifs, prend les choses en main et déclenche un engourdissement au niveau du membre comprimé. La sensation de fourmis commence à apparaître tout doucement, incitant à changer rapidement de position pour que le sang circule à nouveau normalement. Chose faite, c'est un vrai feu d'artifice.
Une fois la circulation en cours de rétablissement, le système nerveux se retrouve complètement désorienté, perdu. Le sang revient dans le membre, mais de manière progressive, lentement. Ce temps de latence brouille les repères du système nerveux, qui envoie alors des signaux contradictoires en rafales. Ce foutoir pas possible, c'est cette fameuse sensation de fourmillement.
Quand elle vous envahit, il n'y a pas beaucoup de solutions. Il faut prendre son mal en patience le temps que la circulation sanguine retrouve sa fluidité habituelle. Se lever et tenter en vain de marcher malgré les picotements douloureux aide légèrement à accélérer le processus. Bouger est la clé, comme nous le suggère si bien la langue française. Au sens figuré, l'on emploie en effet le terme «avoir des fourmis dans les jambes» pour dépeindre cette soif de partir, de passer à l'action. Une locution qui ne sort donc pas de nulle part.
D'où vient cette expression?
Si cette sensation a depuis toujours habité les êtres humains, l'expression française qui la caractérise est relativement récente, explique Ouest France. «Avoir des fourmis dans les jambes» daterait de la première moitié du XIXe siècle à peine. Avant elle, le verbe «fourmiller» était parfois employé, notamment par le célèbre chirurgien français Ambroise Paré qui, en 1575, définissait «fourmiller» comme étant «le siège d'une sensation analogue au picotement des fourmis».
Il faudra finalement attendre les années 1831, dans l'ouvrage Le Cocu de Charles Paul de Kock, puis Les Mystères de Paris (1844) d'Eugène Sue pour voir apparaître la formule sous sa forme contemporaine. Ce dernier y écrivit la phrase suivante: «Le maître d'école, bas à Benoît: Dis donc, le temps passe et j'ai des fourmis dans les jambes.»
Si cette expression est utilisée à tout va, elle n'en demeure pas moins une alerte qu'il ne faut pas négliger si elle est récurrente. Ressentir de façon répétée et persistante des fourmis dans les jambes, aussi appelées «paresthésies» en langage médical, peut être le signe de pathologies très variées, notamment d'affections neurologiques ou veineuses, allant de la sclérose en plaques à une maladie artérielle périphérique, en passant par un AVC. Il ne faut alors pas hésiter à consulter rapidement son médecin.