Pourquoi envions-nous l'orgasme des cochons? Les gauchers sont-ils davantage intelligents? Quand il pleut, est-ce que les insectes meurent ou résistent? Vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions sans queue ni tête au détour d'une balade, sous la douche ou au cours d'une nuit sans sommeil. Chaque semaine, L'Explication répond à vos interrogations, des plus existentielles aux plus farfelues. Une question? Écrivez à [email protected]
C'est une envie indescriptible. Le lendemain d'une soirée bien (trop) arrosée, et alors même que votre estomac se remet à peine de ce qui lui est passé par le sphincter œsophagien, vous criez famine. Votre dévolu ne se jette pourtant pas sur une belle salade ou des légumes frais. Rien de ce qui pourrait venir purifier ce corps souillé par l'ivresse ne vous attire. À la place, vous entendez un appel: celui du gras et du regret. Celui du fast-food.
Quoi de mieux pour éponger sa gueule de bois qu'un bon burger, me direz-vous? Qu'une pizza huileuse ou qu'un kebab, avant de se plonger dans une sieste après une courte journée vaseuse? Même si l'on regrette quelque peu après, une fois que l'estomac submergé commence à manifester son mécontentement, l'envie était bel et bien là. Rassurez-vous, vous n'êtes pas seul. C'est même tout à fait normal: votre cerveau le réclame.
Pas de dodo, beaucoup de bidou
Vous connaissez l'expression «Qui dort dîne»? Autrement dit, dormir permet d'oublier sa faim. Eh bien, l'on pourrait tout à fait inventer une nouvelle expression dans le sens inverse: «Qui ne dort pas fait péter le gras». Car oui, outre l'alcool, c'est souvent le manque de sommeil lié à une soirée festive qui provoque une frénétique envie de nourriture grasse.
Le manque de sommeil pousse le cerveau à sécréter une substance chimique appelée «endocannabinoïde», rapporte une étude du département de médecine de l'Université de Chicago publiée en 2016. Cette substance va ordonner à notre organisme de manger pour compenser un manque d'énergie –et ce, même si notre ventre est rempli.
Cette faim soudaine n'a pourtant rien de classique: c'est une faim hédonique. Comme pour nous consoler dans ce moment difficile (alors que l'on a juste enfilé des verres à n'en plus pouvoir), notre cerveau désire de la nourriture réconfortante. Beaucoup, et tout de suite! Malheureusement, qui dit nourriture réconfortante dit bien souvent nourriture grasse et sucrée. Bref, des calories pour alourdir la bedaine (la gravité fait le reste).
Comme le rapporte Maxi Science, faire la fête et se priver de plusieurs heures de sommeil augmenterait de 30% le taux d'endocannabinoïde dans l'organisme. Le système ciblé par les endocannabinoïdes est par ailleurs le même que celui avec lequel les principes actifs du cannabis interagissent, provoquant là très célèbre «foncedalle». Par ici le burger, les frites, les tacos et les nachos.
Dis moi ce que tu bois, je te dirai ce que tu manges
Si la réponse précédente aurait pu se suffire à elle-même, elle n'est pourtant pas seule dans ce processus de goinfrerie. Une autre explication vient de l'alcool lui-même. Plus ce dernier est sucré, plus il aura tendance à augmenter la faim le lendemain. Et pour cause: un liquide sucré augmente la glycémie, qui chute juste après. Des montagnes russes propices aux pires fringales. Ainsi, si votre soirée n'était que cocktails et alcools forts à foison, il y a fort à parier que le fast-food du lendemain soit un véritable festin.
Une autre étude, publiée dans la revue Health Psychology, s'est concentrée sur un point tout à fait logique: l'alcool déréglerait la zone du cerveau responsable de l'inhibition. Ça désinhibe, autant dans le comportement social qu'en ce qui concernerait nos envies d'aliments riches en calories. On se sent pousser des ailes, donc –mais pas sûr qu'après une imposante pizza, on soit assez léger pour voler.
Mon gras sûr
On pourrait aussi poser le problème à l'envers. Le fait de manger gras «façon gueule de bois» nous pousserait-il à boire plus d'alcool? D'après une expérimentation partagée par l'American Physiological Society et effectuée sur des souris, c'est bien possible.
Dans cette étude, les scientifiques ont réparti des souris en trois groupes distincts, et chacun de ces groupes suivait un régime alimentaire différent des autres pendant huit semaines: un régime très riche en matières grasses pour un groupe, un régime normal pour l'autre et, enfin, une alimentation normale la plupart du temps et grasse à certains moments pour le dernier groupe –ce que l'on appelle ici un «régime de beuverie». À côté, les souris avaient à leur disposition une source d'eau illimitée, mais aussi une boisson réalisée à partir d'eau et d'alcool distribuée de façon limitée. Au fur et à mesure de l'expérience, le taux d'alcool augmentait progressivement, passant de 10 à 20%.
Les résultats sont sans appel: les souris ayant suivi le régime de beuverie ont bu bien plus d'alcool que les autres, le préférant même parfois à l'eau. Pour les chercheurs, un accès limité à de la nourriture très grasse provoque des habitudes alimentaires compulsives, poussant le cerveau à vouloir consommer de grandes quantités d'alcool. Alcool et gras font donc bien la paire.