Pourquoi envions-nous l'orgasme des cochons? Les gauchers sont-ils davantage intelligents? Quand il pleut, est-ce que les insectes meurent ou résistent? Vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions sans queue ni tête au détour d'une balade, sous la douche ou au cours d'une nuit sans sommeil. Chaque semaine, L'Explication répond à vos interrogations, des plus existentielles aux plus farfelues. Une question? Écrivez à [email protected]
Les poubelles ont rarement autant fait parler d'elles. Et pour cause: à Paris, on les retrouve à chaque coin de rue et même sur tous les trottoirs. Elles débordent et dégorgent depuis que les éboueurs sont en grève contre la réforme des retraites, malgré les réquisitions.
Si ces amas d'immondices, paradis des rats, font jaser les passants, ils montrent aussi à quel point certains métiers invisibles sont essentiels au fonctionnement de la cité –éboueurs en tête. Eh oui, difficile d'imaginer une ville sans ces nettoyeurs des rues. Au point que l'on pourrait facilement être tenté de dire que ces derniers existent depuis toujours. L'histoire nous montre pourtant le contraire.
Décharges, porcs et peste
De tout temps la question de la gestion des déchets toque à la porte des habitants des villes. Si ce n'est qu'il y a quelques siècles, la quantité d'ordures ménagères était bien moins importante qu'aujourd'hui, et ces dernières n'étaient presque que constituées de déchets organiques.
Très vite, on a trouvé une astuce pour se débarrasser de ces épluchures et autres langes: on creuse un trou et vioup!, on enterre le bazar, ni vu ni connu. Ce type de décharge a notamment vu le jour à Knossos, en Crète, aux alentours de 3.000 ans. avant JC., puis à Rome, dans l'Antiquité. L'astuce n'était pourtant pas infaillible, les déchets pouvant rapidement envahir les rues si personne ne venait s'en occuper. À Athènes, en 500 av. J. -C, on a donc tenté de serrer la vis avec une loi ordonnant que les ordures soient jetées à au moins un mile (1,6 km) de la ville.
Les rues pouvaient aussi subir un semblant de balayage, mais à ce stade, on brassait plus de la poussière qu'autre chose. De la poussière et de la boue, d'où le nom de «boueux» attribué à ceux qui nettoyaient les boues urbaines au Moyen Âge. À cette même période, des porcs étaient aussi mis dans les rues de certaines villes pour manger les détritus, rapporte Ouest-France. Pour le reste, on passait le tout dans la cheminée et on réutilisait au maximum. On réparait et rafistolait tout jusqu'à épuisement.
Évidemment, vivre constamment à côté des déchets (notamment d'excréments), ce n'était franchement pas le top niveau hygiène. Les maladies étaient courantes, et l'une d'entre elles restera particulièrement gravée dans l'histoire: la peste noire. En 1350, elle balaye l'humanité, poussant les autorités du monde à prendre en considération l'hygiène publique. En Grande-Bretagne, on invente ainsi des «ratisseurs», qui ramassaient une fois par semaine les ordures dans un chariot. Les ancêtres des éboueurs.
Chiffonniers à la rescousse
Pour autant, le métier d'éboueur n'en était qu'à ses balbutiements, notamment en France. Et pour cause: agriculteurs et chiffonniers participaient eux aussi activement au nettoyage des rues. Dans la capitale française, au XVIIIe siècle, les habitants sortaient pêle-mêle, devant chez eux, tout ce dont ils ne voulaient plus, des restes alimentaires aux objets les plus divers. Le tout venait compléter la boue et les déjections des animaux qui jonchaient les rues, formant un mélange des plus dégoûtants.
Les citadins qui ne balayaient pas devant leur porte (d'où l'expression) devaient s'acquitter d'une taxe de balayage. Des agents de la ville faisaient alors des tas avec ces ordures, avant de les emmener dans des dépotoirs où elles étaient... vendues. Les agriculteurs s'en servaient en effet comme engrais.
Avant que ces tas de déchets ne soient constitués puis vendus, il fallait bien faire un peu de tri. C'était chose faite grâce aux chiffonniers, qui ratissaient les déchets à la recherche de perles rares. Les vieux chiffons –recyclés en papier– et les os alimentaires –transformés par les industriels en boutons, colle ou gélatine– étaient notamment très prisés.
Merci Eugène Poubelle
Puis, vint le temps de la société consommation. On fabrique, on vend, on achète et, donc, on jette plus. On jette des choses nouvelles aussi: du verre et des matières non organiques qui ne se décomposent pas et qui s'accumulent tant et plus. Les villes s'agrandissent, et ça commence à devenir un peu le bordel niveau gestion des déchets. Alors, à Paris, un homme prend les choses en main: Eugène Poubelle.
Quand votre nom est attribué à un objet dont vous êtes l'inventeur, c'est souvent que vous avez accompli de grandes choses. C'est le cas pour Poubelle –même si, on vous l'accorde, ce n'est pas très valorisant à première vue. À la fin du XIXe siècle, Eugène Poubelle, alors préfet à Paris, lance une révolution: il impose, en 1883, la présence dans les immeubles de la ville de récipients à couvercle où les citadins doivent jeter leurs déchets ménagers (les caisses à ordures n'avaient, auparavant, pas ce type de fermeture).
Bref, il standardise la poubelle, ce qui facilitera le ramassage des ordures, tout en démocratisant et en uniformisant la profession d'éboueur, dès le début du XXe siècle.