C'est une sensation étrange, que l'on ne saurait expliquer sur le coup, et qui, pourtant, est bel est bien perceptible, notamment lorsque l'on part en vacances.
Alors que le trajet aller nous paraît toujours interminable, mettant à rude épreuve notre patience, celui du retour, à contrario, semble souvent bien plus court. La distance n'a pourtant pas changé. La route est restée la même. Notre voiture n'est pas plus rapide. Les bouchons ne sont pas plus agréables, dans un sens comme dans l'autre. Malgré tout, on n'en démord pas: ce voyage de retour était quand même bien plus court que celui de l'aller!
Comment expliquer cette impression? Que se passe-t-il sur la route qui puisse modifier notre perception du temps? L'Explication revient sur ce phénomène.
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Mémoire joueuse
À regarder de près, il n'y a pas qu'une seule explication à cette drôle d'impression, mais plutôt des explications. La première serait notamment relative à notre perception du temps et à notre souvenir a posteriori de la durée du voyage.
C'est en tout cas la conclusion à laquelle sont arrivés le chercheur Ryosuke Ozawa et ses collègues de l'université d'Ozaka, qui ont publié une étude sur le sujet dans la revue PLOS One. Pour mener à bien leurs recherches, ces derniers ont séparé en deux groupes distincts vingt hommes âgés de 20 à 30 ans, auxquels ils ont soumis deux vidéos différentes.
D'un côté, un groupe visionnait une vidéo préenregistrée d'un piéton parcourant une distance aller-retour, en empruntant le même chemin dans les deux sens donc. Le second groupe regardait deux vidéos de deux trajets totalement différents, sans aller-retour cette fois-ci. Si leur contenu variait, la durée de ces petits films était strictement similaire pour chaque groupe, à savoir vingt-six minutes.
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Afin d'observer les différences entre les deux échantillons, chaque participant devait faire signe une fois qu'il estimait que trois minutes venaient de s'écouler (portable et montre étaient, bien entendu, totalement exclus). Étrangement, lors de ce processus, l'évaluation du temps qui passe entre les deux groupes était peu ou prou similaire. Mais un autre point les différenciait, et c'est là qu'intervient notre mémoire.
En sortant de leur petite pause cinéma, les cobayes ont reçu un questionnaire pour évaluer à nouveau leur perception du temps écoulé lors du visionnage. Surprise: en y repensant, tous les participants du premier échantillon ont trouvé le chemin retour bien plus court que l'aller.
Que peut-on en conclure? Pour Ryosuke Ozawa, le coauteur de l'étude, ce phénomène n'est pas donc dû à «une question de mesurer le temps en lui-même, mais plutôt de jugement du temps passé, basé sur notre mémoire», explique-t-il. Ainsi, une fois le trajet terminé, la mémoire crée le souvenir que le trajet retour était bien plus court. En somme, comme le résume le Washington Post: pour ressentir cet effet d'aller-retour, vous devez d'abord savoir que vous faites un aller puis un retour.
Familiarité et attentes
D'autres scientifiques se sont également penchés sur ce sujet, en analysant notamment deux phénomènes: l'influence de la familiarité des lieux lors du voyage retour sur notre perception du temps qui passe ainsi que l'attente que l'on projette sur la durée du trajet.
La première théorie est quelque peu tombée à l'eau lors des expériences réalisées: le fait de connaître le chemin du retour, l'ayant déjà emprunté à l'aller, n'influencerait pas ce sentiment d'un trajet bien moins long, rapporte Bloomberg. En revanche, la théorie de l'attente est bien plus intéressante.
En 2011, le psychologue néerlandais Niels van de Ven a analysé le ressenti de 360 personnes ayant parcouru un chemin en bus ou à vélo, et a publié ses résultats dans le Psychonomic Bulletin & Review. Grâce à des questionnaires et tout un tas de calculs, le professeur a réussi à établir un lien entre la projection de la durée du voyage aller et la perception du temps écoulé lors de celui du retour. Ainsi, plus la durée de l'aller a été sous-estimée, plus le retour a semblé court.
Arrêtons-nous là un petit instant: qui ne s'est pas déjà dit en partant en vacances «allez, dans deux heures on est arrivés», avant de se rendre compte, une fois l'estimation passée, que l'on est encore bien loin d'avoir atteint la destination? Au-delà de ce délai que l'on s'était fixé, le temps semble tourner au ralenti, la voiture paraît de plus en plus petite, le siège de plus en plus étroit: bref, vivement l'arrivée.
Connaître le chemin du retour, l'ayant déjà emprunté à l'aller, n'influencerait pas ce sentiment d'un trajet moins long.
Au retour, c'est une tout autre histoire. L'attente est moins grande, on est prêt à affronter un voyage semblable à l'aller, long et pénible. L'optimisme du départ laisse place à la résignation du retour. On ne regarde plus sa montre: on sait déjà que le trajet va être interminable. Et c'est là que la sensation d'un retour plus court prend tout son sens: sans attente, on est surpris que le temps soit passé aussi vite!
Suffirait-il donc de ne pas avoir du tout d'attente pour trouver chaque déplacement effectué bien plus court? On vous laisse expérimenter cette théorie lors de vos prochains voyages.