Pourquoi envions-nous l'orgasme des cochons? Les gauchers sont-ils davantage intelligents? Quand il pleut, est-ce que les insectes meurent ou résistent? Vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions sans queue ni tête au détour d'une balade, sous la douche ou au cours d'une nuit sans sommeil. Chaque semaine, L'Explication répond à vos interrogations, des plus existentielles aux plus farfelues. Une question? Écrivez à [email protected]
Vous pensez avoir déjà expérimenté des odeurs terribles? Celles qui vous restent dans le nez plusieurs minutes, qui vous suivent partout où vous allez. Celles qui, même des jours après, vous donnent la chair de poule rien qu'en y repensant. Cette senteur nauséabonde, que vous regrettez profondément d'avoir un jour inhalée.
Et on ne parle pas ici de l'odeur de pieds de votre ami. Ni du pipi de votre chat, d'ailleurs, ou de ce reste de nourriture que vous avez laissé plusieurs jours au fin fond de votre frigo et qui macère dans un Tupperware, que vous refusez presque d'ouvrir par peur des effluves qui en sortiront. Non, ici, on parle d'odeurs terrifiantes. D'émanations que la science décrit comme les plus horribles sur Terre. Quelle est cette odeur la plus abjecte au monde?
Bombe puante «made in USA»
Plusieurs scientifiques ont essayé de déterminer la pire odeur qui soit. La première chose qui ressort de ces tentatives est claire: il est difficile de sortir du lot un seul grand gagnant de ce concours fétide, pour la simple et bonne raison que l'appréciation d'une senteur reste totalement subjective. Elle varie d'une personne et d'un pays à l'autre.
En 1998 par exemple, Pamela Dalton, docteure en psychologie cognitive au Monell Chemical Senses Center, aux États-Unis, en a fait l'expérience. À cette époque, elle fut chargée par le ministère de la Défense américaine d'une mission hautement importante, celle de développer une bombe puante abjecte.
Au cours de ses expériences, Pamela Dalton se heurta rapidement à un problème de taille. Ses cobayes, qui venaient de différentes parties du monde, n'avaient presque jamais le même ressenti face aux émanations pestilentielles qu'elle leur soumettait. Impossible donc de détacher une odeur universellement dégoûtante.
Impossible, jusqu'au jour où la scientifique semble avoir enfin trouvé la bonne formule. Un mélange rebutant a mis tout le monde d'accord en un rien de temps. L'élément-clé de cette mixture est une substance appelée «US Government Standard Bathroom Malodor», un produit utilisé pour imiter les odeurs des latrines militaires afin de tester l'efficacité des produits de nettoyage, explique le New York Times. Pamela en a fait la base de sa recette.
La pire odeur au monde est donc née. Baptisée «soupe puante», elle combinerait à la fois des odeurs de vomi et de décomposition avec un parfum fruité et sucré. Selon le retour d'expérience de Mary Roach, une écrivaine scientifique parmi les rares personnes à avoir senti cette soupe, son parfum serait semblable à «Satan sur un trône d'oignons pourris», ajoute le média américain. Le cocktail gagnant de la catégorie senteur horrible.
Durian, Vieux Boulogne, excréments antiques...
On l'a vu, le ressenti vis-à-vis d'une odeur reste bel et bien subjectif. C'est pourquoi, depuis cette fameuse «soupe puante» développée aux États-Unis, les scientifiques ont tenté tour à tour de faire des classements des senteurs les plus mauvaises, plutôt que d'essayer d'en sortir une du lot. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la liste est aussi variée que malodorante.
Selon la science, le durian fait partie des choses qui puent le plus sur le globe. Ce fruit comestible, dont certains raffolent, notamment en Asie, est à l'origine de nombreux incidents. Sa forte odeur, comparée parfois à de l'œuf pourri, avait par exemple forcé l'évacuation massive d'une université de Melbourne et avait également fait tourner de l'œil plusieurs personnes d'un bureau de poste allemand.
Dans la catégorie des puanteurs naturelles, on trouve également la Rafflesia arnoldii, une fleur gigantesque réputée pour sentir le cadavre en putréfaction, combiné avec des chaussettes moites et du poisson, rapporte Science Alert. Sa forte odeur sert à attirer les mouches charognardes, qui font office de pollinisateur pour la fleur.
Il ne faut pas oublier non plus le Vieux Boulogne, considéré comme étant le fromage le plus odorant du monde. Pour vous donner un ordre d'idées, dites-vous qu'un appareil scientifique doté d'un nez électronique utilisé pour détecter les infections urinaires et la tuberculose a testé positif ce fromage repoussant. Rien que ça.
Plus insolite encore, il semblerait que les excréments antiques fassent partie des choses les plus malodorantes au monde, ajoute le média scientifique. Des archéologues l'ont découvert à leurs dépens, lors d'une évacuation d'une latrine médiévale vieille de plus de 700 ans au Danemark.
En dehors de cette liste, des chercheurs se sont prêtés à un petit jeu sur Twitter. Ils ont demandé à leurs collègues, toutes spécialités confondues, quelle était l'odeur la plus dégoûtante à laquelle ils avaient eu affaire dans leurs expériences. Trois parfums se détachent.
En tête, il y a l'odeur de la mort. Plus particulièrement celle d'une tortue morte séchée au soleil. S'ensuit l'odeur du vomi de l'urubu à tête rouge, un vautour d'Amérique qui rejette en fait un condensé de viande à moitié digérée, dont la puanteur est telle qu'elle fait fuir ses prédateurs. Enfin, l'incontournable odeur du surströmming, ce plat suédois constitué de harengs fermentés, qu'une enquête japonaise avait défini comme étant la senteur de nourriture la plus putride au monde.
Poids des molécules
Après avoir fait le tour de toutes les puanteurs terrestres, une question se pose: qu'est-ce qui fait qu'une odeur est agréable ou non? Une étude publiée dans The Journal of Neuroscience apporte des éléments de réponse.
En analysant plus de 1.500 propriétés de 150 molécules différentes, les membres de l'étude ont établi une relation entre l'aspect agréable d'une odeur et ses propriétés physico-chimiques, autrement dit la façon dont ses molécules sont agencées, explique Science Alert. Résultat, les molécules plus lourdes et plus étalées sont souvent associées aux odeurs nauséabondes, tandis que les molécules plus légères et compactes sont jugées davantage agréables.
Ce n'est pas tout. Notre cerveau est également à l'œuvre dans la perception des odeurs. Les informations collectées par nos narines sont triées en fonction de nos expériences passées et les odeurs sont analysées par rapport à celles qu'on a pu sentir auparavant. L'évolution serait également en jeu et nous serions par exemple dégoûtés par des effluves que nous devons historiquement craindre pour nous protéger. C'est ce que suggère une recherche sur des rongeurs: ces derniers étaient apeurés en présence d'une odeur de chat, bien qu'ils n'aient personnellement jamais eu affaire à un seul de ces félins.
Quoi qu'il en soit, vous ne risquez pas de tomber sur des odeurs aussi abjectes que celles citées auparavant. Peu de chance en effet que vous ayez affaire dans la rue à la fameuse «soupe puante», à du vomi de vautour ou à du caca vieux de 700 ans. En revanche, il y a peu, vous pouviez tester votre résistance au surströmming, ce hareng fermenté de Suède. Un musée japonnais de Tokyo en avait fait en 2018 la pièce maîtresse de son exposition sur les odeurs, juste à côté du «tofu puant», une spécialité malodorante locale.