Sciences / Société

La semaine imaginaire de Thomas Pesquet 

Temps de lecture : 4 min

Sur l'attestation, y avait rien d'écrit sur les limites stratosphériques donc si ça se trouve je suis dans les clous avec ce déplacement vers l'ISS, qui de toute façon est professionnel.

Je dois avouer que je suis assez content de me tirer pendant six mois. | Louison
Je dois avouer que je suis assez content de me tirer pendant six mois. | Louison

Chaque samedi, Louison se met dans la peau d'une personnalité qui a fait l'actu et imagine son journal de bord.

Lundi 19 avril

Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour échapper au couvre-feu n'empêche. Dans trois jours, je m'envole pour la Station spatiale internationale. Pas celle qui devait tomber sur les godasses en aluminium de Paco Rabanne, mais une autre, avec tout le confort moderne, wifi, minibar et même petit bonbon à la menthe sous les oreillers.

Bon, évidemment, comme tout flotte vu qu'on évolue sans gravité, ça fait que le wifi a un goût mentholé, mais franchement, si je devais mettre une note sur Booking, ce serait direct cinq étoiles. Et les étoiles là-haut, on maîtrise, je peux vous dire. En tout cas, j'aimerais bien voir la tronche de Jean Castex quand il va voir ma fusée décoller, et la petite goutte de sueur qui va dévaler le long de ses lunettes, pour une fois sur son nez, quand il va imaginer à quelle vitesse je vais pulvériser le rayon de 10 kilomètres autour de chez moi.

Cela dit, sur l'attestation, y avait rien d'écrit sur les limites stratosphériques donc si ça se trouve je suis dans les clous avec ce déplacement, qui de toute façon est professionnel. Et puis, si j'étais un hélicoptère de la NASA, je serai déjà sur Mars alors franchement, à côté, l'orbite terrestre, c'est une promenade au bois de Vincennes.

Mardi 20 avril

C'est pas plus mal finalement de retourner dans l'espace maintenant, car j'ai l'impression qu'en quatre ans, l'ambiance terrestre a un peu évolué et un petit changement d'air me fera du bien. Un peu comme quand la semaine prochaine, les profs vont ouvrir les fenêtres toutes les onze minutes pour éviter d'avoir à fermer la classe, ou l'école, avant l'heure d'aller à la cantine, pile le jour où y a des frites.

Là-haut, on ne peut pas trop ouvrir les fenêtres, mais quand on éternue, on voit bien les micro-gouttelettes car elles flottent près de nous le reste de la semaine. Ça fait de la compagnie, c'est sympa. Mais en vrai, parmi tous les tests auxquels on est soumis avant de s'envoler, il y a bien sûr un PCR. Une nouveauté cette année, c'est qu'on devait aussi pouvoir tenir une heure entière dans le noir en écoutant des interventions de Marlène Schiappa sur la laïcité. Paraît que c'est une bonne façon d'évaluer notre sang-froid et notre résistance au stress. Là-dessus, je suis pas inquiet, j'ai réussi à suivre tout le procès de la mort de George Floyd sans avoir eu envie de tout casser. Même si le verdict m'a aidé, j'avoue.

Mercredi 21 avril

Si la météo le permet, demain je m'envole vers l'espace et ça c'est royal. Mais pour ce qui est d'aujourd'hui, j'ai plutôt envie de penser à la monarchie, et à ceux qui la font, où qu'ils soient. D'abord, je me demande comment va la reine Elizabeth, qui fête son 95e anniversaire en portant une robe couleur trou noir. D'habitude, de la Station spatiale internationale, j'arrive toujours à la distinguer, qu'elle soit en parme, en moutarde ou couleur gigot à la menthe.

C'est ça l'apanage des grands monuments, on les voit de loin et de haut. Et puis je pense aussi au Prince. Pas à celui d'Édimbourg mais à celui de Minneapolis qui nous a quittés il y a cinq ans aujourd'hui. Honnêtement, j'en ai vu des trucs dans ma vie, des levers de soleil, des couchers de lune, des levers de lune, des couchers de soleil, mais la mort de Prince, j'arrive toujours pas à y croire. Le ministre de l'Intérieur, qui a bien une tête à être pompette au premier litre d'Évian, a tort de vouloir mener une guerre contre les substances illicites, ce sont elles qui nous offrent les génies. Et parfois aussi nous les reprennent, c'est vrai.

Jeudi 22 avril

Les cosmonautes et les pêcheurs amateurs de bigorneaux ont finalement pas mal de points communs. Quand il fait pas beau, bah ça perturbe pas mal leurs plans. Comme dirait la dame dans le haut-parleur des gares, mon SpaceX, initialement prévu aujourd'hui, entrera finalement en gare et en orbite avec un retard de 24 heures. Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. En revanche, pas sûr qu'Elon Musk ait prévu des petits coupons de réduction pour le voyage suivant, ni des sandwichs qui empoisonneraient un opposant russe.

La SNCF a encore beaucoup à lui apprendre. Mais finalement, je suis pas mécontent de rester un jour de plus sur la terre ferme, car c'est l'occasion d'assister à pas mal d'événements assez importants. Je ne parle pas de tous ces petits bébés qui ont décidé de poindre le bout de leur nez aujourd'hui, même si je les salue. Non, le grand scoop aujourd'hui et je suis si chanceux d'y assister en direct, c'est le retour des conférences de presse de Jean Castex, à 18h. Ça fait plaisir de le retrouver, j'avais peur que le mec prenne la grosse tête maintenant qu'il a le numéro de fixe de Sheila (non, calme-toi Gérald, un numéro de fixe ça n'a rien à voir avec la drogue, c'est juste un numéro de téléphone où tu ne peux pas envoyer de textos).

Vendredi 23 avril

Allez, c'est le grand jour. C'est dingue comme les départs, ça stresse exactement de la même façon, qu'on aille en orbite ou à La Bourboule. T'as toujours l'impression qu'au moment où tu pourras plus faire demi-tour, après le péage de Saint-Arnoult ou le passage de la stratosphère, c'est là que tu vas te rendre compte que tu as oublié un truc. Et soyons honnête, c'est plus simple de trouver un tube de dentifrice spécial gencives fragiles à La Bourboule.

Enfin je dois avouer que je suis assez content de me tirer pendant six mois et de ne pas assister à la rentrée des classes de lundi prochain, avec son cortège de protocoles sanitaires plus légers qu'un verre d'eau dans l'espace, ni au lancement des campagnes régionale et présidentielle de Marine Le Pen le 1er mai prochain. Comme quoi, parfois, et même quand on est astronaute, il y a des fusées qu'on n'a pas envie de voir aller très loin. Surtout quand tous les calculs des instituts de sondage commencent à prévoir des atterrissages du côté du palais de l'Élysée.

Y a pas que moi qui vais devoir accrocher ma ceinture ces prochains mois.

Allez, 5…4…3…2…1… Bonne chance!

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