Monde

La semaine imaginaire du prince Charles

Temps de lecture : 3 min

Moi, le prince toujours pas roi à 71 ans, j'ai attrapé le coronavirus. Il n'a pas échappé à ma chère et tendre que cela veut dire «virus à couronne». D'où son fou rire instoppable depuis le diagnostic.

Le prince Charles fait une allocution retransmise sur un écran à l'occasion de l'ouverture du NHS Nightingale Hospital, construit en neuf jours dans un contre des congrès à Londres, le 3 avril 2020. | Stefan Rousseau / POOL / AFP
Le prince Charles fait une allocution retransmise sur un écran à l'occasion de l'ouverture du NHS Nightingale Hospital, construit en neuf jours dans un contre des congrès à Londres, le 3 avril 2020. | Stefan Rousseau / POOL / AFP

Chaque samedi, Louison se met dans la peau d'une personnalité qui a fait l'actu et imagine son journal de bord.

Lundi 30 mars

En sirotant mon Earl grey ce matin, j'entendais encore au loin Camilla pouffer. Moi, le prince toujours pas roi à 71 ans, j'ai attrapé le coronavirus. Il n'a pas échappé à ma chère et tendre que cela veut dire «virus à couronne». D'où son fou rire presque inarrêtable depuis le diagnostic.

Évidemment, ma mère, elle, n'a rien, même pas une petite quinte de toux ou de la morve coulant de son royal nez. Camilla en revanche est confinée à l'étage de notre château, histoire que je ne la contamine pas. Je n'ai pas la prétention de devenir un Barbe Bleue des temps modernes et par conséquent, je préfère éviter d'enterrer trop de mes femmes.

Quoi qu'il en soit, ce virus m'a une fois de plus prouvé que j'aurais mieux fait de naître le deuxième. Alors que j'étais cloué au fond de mon lit, fiévreux et incapable de soulever un crumpet, tous les médias se demandaient si je n'avais pas éternué sur ma mère récemment. Comme un épisode de Game of Thrones sans budget.

Alors que tout le monde sait que pour la tuer à coup sûr, il aurait simplement suffi que je me remarie avec Madonna.

Mardi 31 mars

La fièvre est presque tombée, mais pas l'ennui. Dans un pays désormais en confinement, pas facile de trouver de quoi m'occuper. Ce n'est pas le cas de ma mère qui m'appelle sans cesse pour s'assurer que le désœuvrement de cette période ne me donne pas l'envie d'aller tremper mes guêtres dans des affaires de mœurs comme mon frangin.

Je la rassure comme toutes les deux heures et raccroche. Un sms de Boris Johnson s'affiche: «Hello Charlie, si tu t'ennuies, fais comme moi, va sur PornHub, l'abonnement premium est gratos en ce moment!»

J'active l'option «bloquer ce correspondant», mais décide tout de même d'allumer mon ordinateur. Trois clics et Netflix se lance. «Bonjour Charles, voici une sélection de programmes qui devraient vous intéresser.» Sous mes yeux, les trois saisons de The Crown et l'intégrale de Suits. J'ai l'impression d'être sur Teams. Je referme l'ordinateur et reprends mes mots fléchés. Huit lettres «qu'on peut avoir sur la tête ou dans la bouche».

Damn it.

Mercredi 1er avril

Est-ce un effet de la marmelade ou des 115% d'humidité dans l'air? Toujours est-il que je suis guéri! Pour célébrer ça, j'embrasse la stature d'homme du XXIe siècle que je suis, et décide de publier une petite vidéo sur les réseaux sociaux. Après tout, Patrick Bruel fait pareil, donc y a pas de raison. Pendant quelques minutes, face caméra comme une influenceuse, j'adresse un message de solidarité et de soutien à mon presque peuple.

J'aurais dû regarder la date du calendrier à photos de bassets hound collé sur le mur. Nous sommes le 1er avril. Sur le point d'effacer ma vidéo pour ne pas me faire traiter de clown, je découvre qu'elle a, ô désespoir, eu l'effet inverse de celui que j'espérais, et qu'elle alimente désormais la théorie du complot. On m'y trouve trop frais, trop guéri, trop vite. La rumeur se propage plus vite qu'une photo de mes petits-enfants: je n'aurais jamais été malade.

Jeudi 2 avril

Je n'ai toujours pas dit à Camilla que j'étais guéri. Qu'elle reste encore un peu à l'étage et me laisse dans ma mélancolie. J'allume la télé et finis par tomber sur une chaîne française. Le Premier ministre d'outre-Manche n'a pas l'air de passer une très bonne semaine non plus. Apparemment, ils ont un petit problème de surmortalité dans les Ehpad et leurs anciens, comme il les appelle, tombent comme des mouches. Ça me laisse songeur.

Je zappe encore et tombe sur CNN. En deux semaines, dix millions de personnes se sont inscrites au chômage aux États-Unis. D'un coup, je me sens un peu moins seul. J'ai presque envie de leur faire une nouvelle petite vidéo pour leur dire qu'au début ça fait bizarre, mais qu'au bout de soixante-dix ans on s'habitue. J'entends Camilla descendre l'escalier. Je simule une quinte de toux. J'entends Camilla remonter l'escalier.

Vendredi 3 avril

Quand je pense qu'en 1992, ma mère avait trouvé l'année «horribilis». Que diraient tou·tes ces collégien·nes et lycéen·nes de France qui viennent d'apprendre que, après avoir glandouillé depuis septembre, bac et brevet seront finalement entièrement notés en contrôle continu? Je les imagine sur les nerfs, regrettant qu'il ne s'agisse pas là d'un poisson accroché dans le dos du ministre de l'Éducation nationale.

Mais que ces jeunes gens se rassurent, le seul test qui compte en ce moment, personne ne peut le passer. Quant au virus, c'est comme le bac: en se donnant un peu de mal, presque tout le monde peut l'avoir.

D'ailleurs, les mathématiques n'ont jamais été aussi en vogue sur la planète et en particulier les équations à deux inconnues: x le nombre de masque, et y le nombre de morts. À vos calculettes.

Ma mère m'appelle à nouveau, elle me confirme mon chômage partiel, et ce, jusqu'à nouvel ordre.

Je me ressers du thé.

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