Société

La semaine imaginaire de Mauricette, première personne vaccinée contre le Covid-19 en France

Temps de lecture : 4 min

Une pénurie de vaccins, c'est loin d'être la pire chose que la société française aura eu à affronter cette semaine.

Le personnel médical applaudit Mauricette, 78 ans, première personne en France à recevoir le vaccin contre le Covid-19 élaboré par Pfizer et BioNTech, le 27 décembre 2020 à l'hôpital René-Muret de Sevran (Seine-Saint-Denis). | Thomas Samson / POOL / AFP
Le personnel médical applaudit Mauricette, 78 ans, première personne en France à recevoir le vaccin contre le Covid-19 élaboré par Pfizer et BioNTech, le 27 décembre 2020 à l'hôpital René-Muret de Sevran (Seine-Saint-Denis). | Thomas Samson / POOL / AFP

Chaque samedi, Louison se met dans la peau d'une personnalité (ou presque) qui a fait l'actu et imagine son journal de bord.

Lundi 4 janvier

On m'avait dit que le vaccin pouvait avoir quelques effets indésirables. Soit. Mais cette nuit, j'ai quand même fait un rêve assez étrange. On était dimanche soir, les enfants et les plus grands se préparaient à une rentrée des classes après des vacances de Noël pas tout à fait comme les autres. L'ambiance était un poil tendue, rapport au fait que tout le monde s'était bien dispersé des micro-gouttelettes à la figure en comptant les secondes avant minuit et que même si le papa Noël avait glissé pas mal d'écouvillons dans les petits souliers du nez, une troisième vague était à craindre.

Mais dans mon rêve, et c'est là où même Freud en grignoterait son cigare par les oreilles, le gouvernement proposait deux options: soit un tirage au sort pour désigner trente-cinq personnes à qui on demanderait leur avis pour créer un comité dont on se moquerait de l'avis. Une sorte de numéro vert qui sonnerait dans le vide, en somme. Soit un lissage brésilien. Pour des cheveux brillants dans un monde bien terne. Ils ont un peu forcé la dose chez Pfizer. Parce qu'on le vaut bien?

Mardi 5 janvier

S'il est vrai que les personnes vaccinées se comptent encore aussi vite que les mesures de gauche du président Macron, il faut tout de même applaudir une certaine honnêteté du côté du gouvernement sur le sujet.

Par exemple, c'est en toute transparence que le ministre de la Santé, Olivier Véran, a avoué gérer tout le plan de vaccination en «bon père de famille», confirmant ainsi ce qu'on savait déjà un peu: la charge mentale, c'est pas trop leur truc aux bons pères de famille. Pour allumer des barbecues l'été, ça, y a du monde, mais pour anticiper un peu la liste des courses avant d'avoir le frigo à -80°C vide, là, y a plus personne.

Cela dit, une pénurie de vaccins, c'est loin d'être la pire chose que la société française aura à affronter aujourd'hui. Un livre sort demain, il est écrit par une avocate, fille d'un ministre sans frontières et belle-fille d'un politologue sans scrupules. Elle raconte une histoire contre laquelle aucun plan vaccinal ne peut quoi que ce soit. Cette épidémie-là, c'est celle de la violence faite aux enfants, et de son plus terrible et plus contagieux symptôme: le silence.

Mercredi 6 janvier

On dit qu'un bonheur n'arrive jamais seul, permettez-moi d'en douter. J'ai peut-être été la première en France à avoir un vaccin, mais j'en suis à ma quatrième part de galette et j'ai toujours pas eu la fève, alors hein. Je m'étais un peu habituée à passer devant tout le monde, à voir mon prénom ça et là, devenir une expression. Quand les musées rouvriront, je suis sure qu'ils remplaceront les coupe-files par une option «Mauricette», ou mieux, un «click and Mauricette». Et bim, on passera devant tout le monde.

Comme toujours, les précurseurs en matière de nouvelles technologies, ce sont les Américains. Alors qu'ils sont eux-mêmes encore touchés de plein fouet par le Covid-19 (mais moins que les Anglais, qui depuis l'entrée en vigueur officielle du Brexit se font une joie de faire un peu n'importe quoi sur leur île avec 60.000 contaminations quotidiennes), le click and collect 2.0 a fait ses débuts à Washington. Motivés par le très futur ex-président, ils ont mis au point un nouveau système: le escalading les grilles du Capitole et tout cassing dedans. C'est Ségolène Royal qui va faire la tronche.

Jeudi 7 janvier

Vous allez me dire «Oh Mauricette t'es un peu chiffon là», mais si y en a un pour lequel je suis assez contente qu'on n'ait pas gâché une dose de vaccin, c'est bien Donald Trump. Ah oui hein. À cause de lui, j'ai pas pu éteindre BFM avant au moins une heure du matin et j'ai même pas eu le temps de finir ma grille de sudoku, pourtant bien avancée. Vous m'auriez vue, en robe de chambre comme une pomme de terre, vissée sur le canapé devant la diffusion des images prises à l'intérieur du Capitole. Et bonjour la dégaine de ses plus grands fans, mettant à feu et à sang le berceau de la démocratie américaine. Les cons, les brutes et les puants! J'avoue que depuis son discours, je sens mes oreilles se réchauffer mais c'est pas la fièvre, je vous rassure. Je l'ai toujours eu dans le pif celui-là, comme une sorte de test PCR qui aurait duré quatre ans. Mais là, trop c'est trop.

Surtout qu'on est aujourd'hui le 7 janvier, et c'est un jour que j'ai pas trop envie de repasser le ventre noué devant une chaîne d'infos en continu, si vous voyez ce que je veux dire. Et puis pour me calmer, laissez-moi vous annoncer que je vais pas non plus me tartiner l'allocution de Jean Castex, qui va rien nous dire pour la première fois de l'année. Non ce soir, je ne dors pas, j'écoute France Gall. Trois ans sans elle, déjà.

Vendredi 8 janvier

Cette première semaine de 2021 aura été un peu agitée, faut le reconnaître. Un peu comme la bouteille d'Orangina que je servais à mes petits-enfants quand ils venaient encore me rendre visite. Maintenant ils n'osent plus, même avec mon vaccin.

Paraît que Boris Johnson élève des corgis mutants qui débarquent par l'Eurostar un par un pour manger les enfants. Ils l'ont lu sur l'appli TocToc ou un truc dans le genre. Si vous voulez mon avis, je pense qu'ils passent trop de temps devant des écrans, les pauvres. C'est pas une bonne éducation ça. Faudrait que chez Facebook, ils infligent à mes petits-enfants et à ceux de mes copines de Scrabble, le même traitement qu'au 45e président des États-Unis. Privé de connexion jusqu'à nouvel ordre.

Visiblement, c'est encore plus efficace que de changer le mot de passe de la box, puisque cette nuit, Donald a publié un message tellement sérieux et bien écrit qu'on aurait dit ma copine Marcelle quand elle triche et fait des mots comptent triple en diagonale. Genre 138 points avec «antivax». Bon, je vous laisse, c'est l'heure d'aller faire ma dernière injection, mais rassurez-vous, je crois aux forces de l'esprit et je ne vous quitte pas.

La semaine imaginaire
L'année (même pas) imaginaire de 2020

Épisode 31

L'année (même pas) imaginaire de 2020

#LaSemaineImaginaireDe @Jack

Épisode 33

#LaSemaineImaginaireDe @Jack

Newsletters

N'importe qui peut se faire avoir par la propagande

N'importe qui peut se faire avoir par la propagande

C'est si simple d'abuser de nos sentiments et de nos croyances.

«Je t'aime mon enfant»: les derniers mots lus par Christian Ranucci avant son exécution

«Je t'aime mon enfant»: les derniers mots lus par Christian Ranucci avant son exécution

La touchante missive reposait dans un registre carcéral des Baumettes depuis 1976. Slate en dévoile le contenu en exclusivité.

«J'ai trompé ma copine avec un chatbot»

«J'ai trompé ma copine avec un chatbot»

L'infidélité se réinvente.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio