Politique / Monde

La semaine imaginaire de Joseph Robinette Biden Jr. dit «Joe Biden»

Temps de lecture : 4 min

Jusqu'à présent, nous autres Américains étions surtout connus pour avoir participé activement au jour le plus long, le 6 juin 1944 sur les plages normandes. Désormais, nous serons aussi célèbres pour avoir été les créateurs de la nuit la plus longue.

Joe Biden après s'être exprimé durant la nuit électorale, le 4 novembre 2020, au Chase Center de Wilmington (Delaware). | Angela Weiss / AFP
Joe Biden après s'être exprimé durant la nuit électorale, le 4 novembre 2020, au Chase Center de Wilmington (Delaware). | Angela Weiss / AFP

Chaque samedi, Louison se met dans la peau d'une personnalité qui a fait l'actu et imagine son journal de bord.

Lundi 2 novembre

Qu'elle aura été longue, cette campagne. Comme un jour sans Pepsi. Ou comme une lecture par Jean Castex de la liste des produits non essentiels dans un supermarché, dont ne fait d'ailleurs pas partie le Pepsi. Contrairement aux vêtements pour bébés, qui comme chacun sait, ne sont pas des créatures du genre à être sensibles au changement de température ou à grandir plus vite qu'un mur à la frontière mexicaine. Bref.

Il n'est pas dit que cette dernière journée avant le vote ne sera pas, elle aussi, étirée comme un chewing-gum sous une santiag. Il faut dire qu'en ce moment, les attentats s'enchaînent plus vite que les tweets de mon adversaire. En fin de semaine dernière, la ville de Nice perdait trois de ses habitants, pile deux semaines après l'assassinat du professeur Samuel Paty. Aujourd'hui, à quelques heures d'intervalles, ce sont les rues de Vienne et une université à Kaboul qui ont été prises pour cibles. La mondialisation, ça permet de trouver un Big Mac où qu'on soit sur Terre, mais hélas, ça veut aussi dire qu'on n'est à l'abri nulle part.

Et quand en plus on apprend que même James Bond ne peut plus nous aider, y a de quoi frissonner un peu.

Mardi 3 novembre

C'est le grand jour, le D-Day comme on dit chez nous. Pourtant, j'ai eu un peu de difficulté à me réveiller ce matin. Pas parce que je mérite le surnom de «Sleepy Joe» hein. Non, plutôt à cause d'un bon mal de tête, d'yeux qui piquent, et d'une gorge qui gratte. Oh, je vous rassure, je passe ma vie avec un coton-tige coincé dans la truffe donc ce n'est pas un début de Covid, impossible.

Et n'ayant pas traîné mes plus belles lunettes aviateur du côté du Lycée Colbert à Paris ce matin, ce ne sont pas non plus les effets de gaz lacrymogènes envoyés à hautes doses et en plein masque sur des dizaines d'adolescents et quelques journalistes qui passaient par là.

À mon avis, l'explication est toute bête: je pense que tout compte fait, cette idée d'organiser un meeting façon drive-in, c'était plutôt sympa pour celles et ceux qui étaient dans leur Twingo, beaucoup moins pour celui qui a fait un long discours en respirant 417 pots d'échappement en même temps. Et ce celui-là, c'était moi. Bien sûr, j'aurais pu leur dire «Would you shut up your Twingo s'il vous please», mais à quelques heures du scrutin c'était aussi prudent que de mettre un déguisement de sanglier dans une forêt le dimanche, en France. Ou d'avoir comme projet professionnel d'ouvrir une librairie en 2020. En France aussi.

Mercredi 4 novembre

Jusqu'à présent, nous autres Américains étions surtout connus pour avoir participé activement au jour le plus long, le 6 juin 1944 sur les plages normandes. Désormais, nous serons aussi célèbres pour avoir été les créateurs de la nuit la plus longue, et ce, pas que sur les plages de Normandie mais à peu près partout sur Terre.

Moi même, et pourtant je suis habitué en tant que membre premium du parc de Disney World, je commence à me lasser un peu de ce grand huit électoral et d'avoir l'estomac encore plus malmené que la loi santé de l'Obamacare ou que les droits civiques des personnes trans depuis quatre ans.

C'est quand même étonnant qu'un pays qui a pu envoyer un homme sur la Lune il y a cinquante ans ait autant de difficultés à ouvrir des enveloppes. Y en a un qui en revanche ne perd pas de temps, c'est Donald, qui, sans surprise, s'est déjà déclaré vainqueur et crie à la fraude. Finalement, mon adversaire, c'est un peu comme un sprinteur du 100 mètres qui réclamerait le record du monde alors qu'il est encore assis dans le vestiaire à lacer ses chaussures... Et au bout de quatre ans, ça devient lassant.

Jeudi 5 novembre

Je me souviens de cette chanson des années 1980 qui passait à la radio française. Elle s'appelait «Tes états d'âme Éric». Si le jeu de mots ne valait peut-être pas un prix Nobel de littérature, il faut reconnaître que ça pourrait être la bande originale de cette folle semaine. Un par un, les États nous en auront fait voir de toutes les couleurs. Enfin, surtout du bleu et du rouge. Pour les amateurs de mots fléchés et autres parties endiablées de Scrabble, c'est le paradis. Iowa, bien placé, ça peut faire 39 points. Et si Nevada fait un plus petit score, en matière de grands électeurs, il n'a pas à rougir –ou plutôt bleuir puisqu'il semblerait que je remporte cet État dont les spécialités régionales sont les machines à sous et les concerts en résidence de Céline Dion.

Pendant ce temps, Donald continue de tweeter tout en majuscules qu'il faut arrêter de compter les votes. Visiblement personne n'a osé lui dire que si on lui obéissait, il aurait officiellement perdu puisque je suis loin devant lui. Même Kanye West et ses 60.000 voix (dont seulement six ou sept dans sa tête) l'a compris.

Vendredi 6 novembre

C'est pas pour rien qu'on est les rois du cinéma. Cela fait maintenant trois jours qu'on tient sept milliards d'humains en haleine en comptant des petits papiers comme une élection de délégués de classe de quatrième B. En parlant de collégiens, pendant que l'on compte, outre-Atlantique, une collégienne de 15 ans pourra elle aussi compter; compter et recompter les heures de garde à vue qui ont précédé sa mise en examen pour apologie du terrorisme. Mon –j'espère– futur collègue Emmanuel Macron disait il y a quelques semaines que c'était dur d'avoir 20 ans en 2020. Visiblement, c'est pas easy easy non plus d'avoir quelques printemps de moins.

En parlant d'anniversaire, dans quelques jours, je vais fêter mes 78 ans et j'aimerais n'avoir qu'une seule chose: le mot de passe du compte twitter @POTUS pour pouvoir vite le changer. Et bien sûr, m'occuper de cette touche majuscule qui est visiblement coincée par un bout de nugget depuis quatre ans.

En attendant, et avant d'avoir des journées un peu plus denses niveau planning, je vais me plonger dans Le Cœur synthétique de Chloé Delaume qui vient d'obtenir le prix Médicis. Parce que les femmes, ça ne doit s'attraper que par les couvertures de leurs livres.

Note de l'autrice: Au moment où je termine ce texte, il ne manque plus que six grands électeurs à Jojo pour être élu. Ayant dormi un quart d'heure par nuit depuis mardi, j'aimerais qu'il les trouve vite.

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