Politique / Société

La semaine imaginaire de François Mitterrand

Temps de lecture : 4 min

N'empêche, plus j'y pense et plus j'ai peur: où en sera-t-on pour les 50 ans de ma victoire à la présidentielle?

Cette semaine, ça été un peu moi le roi, quelque part. | Louison
Cette semaine, ça été un peu moi le roi, quelque part. | Louison

Chaque samedi, Louison se met dans la peau d'une personnalité qui a fait l'actu et imagine son journal de bord.

Lundi 10 mai

«Je vous ai compris.» Ah non, flûte, ça c'est un autre. En même temps aujourd'hui, c'est un peu moi le roi, quelque part, donc je vois pas pourquoi je me gênerais. Quarante ans. Quatre décennies. Soit presque deux ans de plus que l'âge actuel du ministre de l'Intérieur. Je vous cache pas que ça fait un peu froid dans le dos quand même. Qu'un homme qui n'était encore qu'un gamète quand on a aboli la peine de mort, soit le patron de la Police, ça ébranle presque autant qu'un monopole du cœur. En même temps, ça explique pas mal de choses de se dire que la première fois que cet homme a voté, c'était peut-être pour que Loana gagne «Loft Story». Ça vous pose une destinée ce genre de choix. Comme équivalent de carrière politique, je pense à cette fusée chinoise qui, à cause d'un problème technique, a donné quelques suées à pas mal de personnes qui ont eu peur de se prendre ses débris en plein masque. Mais heureusement, et une fois de plus, l'ambitieuse bêtise des hommes a fini sa course bien planquée dans l'océan. Je me demande si Gérald Darmanin sait faire le dos crawlé.

Mardi 11 mai

«Casse-toi pauv' con.» Ah non, saperlipopette, ça aussi c'est un autre. Y a pas à dire, pour marquer son époque, il faut savoir s'adapter. Moi qui, quatorze ans durant, me suis déboîté le cervelet pour trouver les plus grands architectes et laisser la trace de mon passage dans l'histoire à coup de pyramide (une technique qui, je l'avoue, avait déjà fait ses preuves de l'autre côté de la Méditerranée), alors que d'autres ont marqué leur mandat à coups de citations à côté desquelles les blagues Carambar avaient de faux airs de maximes de Saint Augustin. Je suis un peu sévère avec ce successeur à lunettes d'aviateur, mais quand je vois l'état de la politique actuelle, je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il a été le premier domino d'une mécanique qui a fait qu'un jour, les ministres de la République se sont mis à faire la promotion de produits qui lissent les cheveux. D'ailleurs politique et cheveux ne font pas bon ménage, il n'y a qu'à voir les récentes affiches de campagne des départementales de la République en mèche… en marche pardon. J'ai bien fait de m'être dégarni dès que j'ai pu.

Mercredi 12 mai

«Mangez des pommes.» Ah non, carabistouille, ça c'est l'autre grand con. Je pensais à lui justement ces derniers jours en voyant les images d'affrontements en Israël.

Alors que les images montraient un ciel s'illuminant de roquettes comme un drôle de soir de 14 juillet, je repensais à monsieur mon Premier ministre, s'énervant lors d'une déambulation à Jérusalem, dans un anglais aussi approximatif qu'une stratégie vaccinale de l'actuel gouvernement français. Ah on savait vivre à l'époque, même si ce jour-là j'étais déjà mort. Je suis cependant rassuré quelque part, de voir que certaines choses ne changent pas. Que pour ruiner un dîner, même à six, il suffit toujours d'évoquer le conflit israélo-palestinien. Le problème, c'est qu'en ce moment les dîners n'ont pas trop le vent en poupe, mais que les avis eux, demeurent, même sans poule au pot à partager. Heureusement, ou non, depuis mon départ, les radios libres se sont développées, nourries par l'envie qu'avaient les gens de donner leurs avis sur la vie, comme disait l'autre. Mais à force, tel un docteur Frankenstein ou un ancien président socialiste qui s'appelle comme moi, la créature a échappé à son maître et les ennuis ont commencé, transformés en une sorte de monstre étrange et toujours à portée de pouce: les réseaux sociaux. Ou les présidents ni de gauche ni de droite, et donc de droite.

Jeudi 13 mai

«Mon ennemi c'est la finance et en même temps le nouvel iPhone a l'air pas mal.» Bon là j'ai fait exprès, c'était pour les deux du fond qui ne suivaient pas et n'auraient pas bien compris mon message d'hier. Bref, aujourd'hui est un grand jour pour la laïcité, principe que je pensais ancré dans la culture de la France autant qu'une coloration «brun chaleureux» sur la tête de Jack Lang. Aujourd'hui donc, politiques de tous bords se sont empressés de fêter un bon jeudi de l'Ascension et une bonne fin de ramadan à leurs concitoyens et concitoyennes. Personne pour se souhaiter un bon premier pont du mois de mai, personne non plus pour célébrer en fanfare le retour prochain des films projetés sur autre chose qu'une tablette calée entre un dictionnaire des synonymes et le carton du grille-pain qui donne l'heure et la pression atmosphérique à Oulan-Bator, commandé bien sûr la veille sur Amazon. Et livré quelques heures plus tard par un jeune homme, à qui l'on a mis que quatre étoiles sur cinq, parce qu'il était un un peu impatient et a sonné deux fois. En fait, il était en retard pour la distribution alimentaire de midi. Y a pas que moi qui suis mort en fait, y a le principe d'être de gauche aussi.

Vendredi 14 mai

N'empêche, plus j'y pense et plus j'ai peur: où en sera-t-on pour les cinquante ans de ma victoire à la présidentielle? Peut-être qu'on assistera à la réélection d'une héritière de Saint-Cloud, devançant de peu un Gérald Darmanin qui aura flingué sa campagne en envoyant un hologramme 3D de ses parties molles à la moitié de son répertoire, provoquant la mort soudaine du préfet Lallement qui se remettait à peine de la dernière marche LGBT+. Ou peut-être qu'avec un peu de chance, la Terre aura chauffé plus vite que prévu, que quelqu'un aura mangé du beluga enragé, et on sera tous morts d'une pandémie aux allures de parc aquatique à l'abandon. On croise les doigts, aussi fort que le président actuel croise les bras concernant le climat. Tout ça pour vous dire que c'est bientôt le week-end et que comme je suis pas du genre à faire des ponts, mais des pyramides donc, je suis assez content de pourvoir me reposer.

Bref, je crois aux forces de l'esprit, hein, et franchement j'ai pas envie de vous quitter comme ça, mais c'est vraiment trop une ambiance de bidet pour moi, alors je retourne jouer à la baballe avec Baltique. En plus, ce qui est bien quand on a deux femmes, c'est qu'il y en a toujours une pour vous attendre avec un bon petit dîner, même au paradis.

La semaine imaginaire
La semaine imaginaire de Napoléon Bonaparte

Épisode 48

La semaine imaginaire de Napoléon Bonaparte

La semaine imaginaire de Jean-Marie Bigard

Épisode 50

La semaine imaginaire de Jean-Marie Bigard

Newsletters

Décivilisation

Décivilisation

«Décivilisation»: les mots d'Emmanuel Macron sur l'insécurité font polémique

«Décivilisation»: les mots d'Emmanuel Macron sur l'insécurité font polémique

Il faut «contrer ce processus de décivilisation» en France, a asséné le chef de l'État en Conseil des ministres.

Publier un roman quand on est un politique, un exercice périlleux

Publier un roman quand on est un politique, un exercice périlleux

La polémique qui a suivi le partage d'extraits du nouveau roman de Bruno Le Maire l'a montré.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio