Après l'enterrement de Zélia, ils sont venus chercher les enfants. Stacy, Wendy, Xena et Zélie ont été placées en famille d'accueil. Pheth est partie chez son père en Haute-Savoie. La maison de Bouillargues s'est vidée, comme ça, du jour au lendemain.
Adam naît le 24 décembre. Le 8 janvier, Hélène est placée en garde à vue. Elle ne reverra plus son fils.
Face aux gendarmes de la brigade de Nîmes, au pire elle ment, au mieux elle n'avoue pas. Elle parle des coups donnés à Zélia par ses sœurs, de leurs bousculades contre la cheminée, des chocs causés par une trottinette. Elle explique que Zélia a du «retard» par rapport à sa sœur Zélie, qui «commence à trotter» à 11 mois. Voir Zélia à quatre pattes l'exaspère. «Je pensais que les vraies jumelles, elles se comportaient pareil», expose-t-elle à la cour.
Et puis il y a ces pleurs, ces pleurs incessants, impossibles. Auprès des gendarmes, Hélène reconnaît avoir donné des coups de balai sur la tête de Zélia: «Après, elle pleurait moins et elle avait compris.» Les gendarmes lui demandent combien de temps duraient ses pleurs, Hélène répond «cinq secondes». Ils lui font compter cinq secondes, lui demandent si cela lui paraît long.
Alors, face aux enquêteurs, Hélène se remémore une chute accidentelle de Zélia provoquée par Suevang, son mari.
À la barre, le directeur d'enquête Obert admet s'être emporté à ce moment-là. Comment peut-on s'offusquer d'une chute accidentelle mais pas d'un coup de balai sur la tête? «Un enfant peut mourir sur le coup si on le laisse tomber directement. Alors que si on lui donne des coups de balai, il ne peut pas mourir sur le coup», répond Hélène. La garde à vue prend fin.
«Elle était comme le blédard et je la détestais»
Lors de son interrogatoire de première comparution devant le juge d'instruction, Hélène «exprime d'importantes difficultés pour évoquer positivement Zélia». Elle répète qu'elle était «à bout», déclare ne pas comprendre pourquoi Suevang n'est pas en détention lui aussi, car après tout, tout ceci serait-il arrivé s'il l'avait aidée?
«J'avais l'impression de porter le pantalon dans le couple, indique Hélène à la cour. Il sortait chasser, pêcher, a commencé à boire... Quand je l'appelais pour venir m'aider, il ne venait pas.» Elle ne peut plus le supporter lui non plus, lui et ses foutus papiers pour rester en France alors qu'il ne sait pas parler français et ne rapporte aucun argent à la maison.
Après une énième dispute où les gendarmes ont dû intervenir, Suevang quitte le domicile. Hélène craint qu'il ne parte s'installer à Carcassonne, chez sa sœur. Une enquêtrice sociale écrit: «Madame a peur de ne pas pouvoir s'en sortir et préfèrerait qu'il reste dans les parages pour l'aider.»
Au sein de la famille, Suevang est de plus en plus perçu comme un «péquenaud».
À la barre, Catherine, la sœur d'Hélène, affirme: «Ce mariage est basé sur le mensonge. Il est venu avec un visa touristique et au bout de trois mois il était déjà dans l'illégalité.» Elle poursuit: «Il a sa part de responsabilité dans la mort de ma nièce: sa passivité, son absentéisme, laissant ma sœur seule avec cinq enfants en bas âge...» Jacques, son frère, suggérera quant à lui aux enquêteurs: «Je pense qu'il est aussi responsable qu'elle parce que son comportement a contribué à ce qu'elle soit fatiguée.»
Placée sous écoute, Hélène appelle sa mère et lui parle de Zélia. La conversation téléphonique est enregistrée. Elle a lieu le 30 décembre 2017. «Elle était comme le blédard et je la détestais. Je la détestais. Elle mangeait beaucoup, comme le blédard.»
«C'est horrible d'avoir tué une jumelle, ça va me hanter jusqu'à la mort»
Non seulement elle lui ressemble, mais «Zélia préfère son père», assure Hélène. Son grand frère, Jacques, témoigne en audition: «Quand les autres petites faisaient la sieste, elle ne voulait pas que Zélia dorme, elle la pinçait pour ne pas qu'elle dorme.» Il y a quelque chose d'insupportable chez cette enfant de 11 mois. Hélène insiste: elle aimait sa fille, elle aime tous ses enfants pareil, elle ne faisait pas de différence. Dans le box vitré, elle rit un petit peu: «C'est sûr que quand elle pleurait, je ne l'aimais pas trop.»
Le président de la cour d'assises demande à Hélène si elle a un souvenir heureux avec Zélia.
Hélène place alors ses mains face à elle, comme pour toucher un mur invisible: «Quand elles se sourient, quand elles se regardent et se touchent...» Pour la première fois depuis le début de son procès, elle retient un sanglot. Puis elle se tourne vers ses avocats, Me Scherrer et Me Ferri, et secoue la tête: «Ça n'arrivera plus.»
À la psychologue judiciaire rencontrée en 2018, Hélène disait: «C'est horrible d'avoir tué une jumelle, ça va me hanter jusqu'à la mort.»
Au micro de la cour d'assises, Hélène déclare: «Pour moi, c'était une fierté d'avoir des vraies jumelles. Et là, je ne pourrai plus être fière.» Hésitante, elle ajoute: «Il n'y a rien de pire que... de perdre son enfant.» L'expert psychiatre souligne qu'Hélène a cette façon de raconter les choses, de manière «pas très habitée».
«À 3 heures du matin, je l'ai mise dans le cagibi»
Le président de la cour d'assises montre les photos de Zélia sur son lit d'hôpital. Hématomes aux deux yeux et à la lèvre, la plaie au menton, ecchymoses sur la poitrine, aux bras, bleus au niveau de la hanche, des fesses, sur le tibia, «le tout chez un enfant n'ayant pas acquis la marche», précisera le médecin légiste. La cour demande à Hélène: «Comment ça a pu se passer?»
Hélène prend une inspiration: «J'étais agacée par les pleurs. Je ne voulais plus qu'elle pleure. J'étais en train de m'habiller. J'ai pris un balai. Je l'ai tapée. Elle a arrêté de pleurer.»
Entendue par les enquêteurs, Pheth dira que Zélia ne pleurait pas plus que les autres. Elle n'a pas ce souvenir-là. L'adolescente de 13 ans se rappelle juste de sa mère se plaignant de Suevang et des tâches ménagères qu'elle devait accomplir pour l'aider.
Hélène poursuit: «À 3 heures du matin... Zélia pleurait souvent, elle voulait tout le temps manger. Si elle pleurait, elle allait réveiller les autres, et après tout le monde pleure. Il valait mieux qu'elle se calme en bas. Je l'ai mise dans le cagibi.» Elle dit ne pas avoir vu la bouteille de gaz, cachée sous une couette. Zélia a dû se cogner la tête dessus quand sa mère l'a jetée là.
«Une fille et un garçon, ça aurait été parfait»
Le président veut savoir: d'où vient la blessure à la lèvre?
– C'est quand... je mettais la calculatrice dans la bouche pour qu'elle arrête de pleurer.
– Ça marchait?
– Non, ça ne marchait pas. J'étais saoulée par ses pleurs, j'étais agacée, j'en avais marre, mais j'ai jamais eu l'intention de la tuer.
La psychologue judiciaire explique à la cour: «Ce sentiment d'épuisement est précriminel.»
Devant elle, Hélène confiait, en 2018: «Que je passe en correctionnelle. C'est pas un crime que j'ai fait. C'est violence sans intention de donner la mort. J'espère qu'ils me laisseront sortir avant d'être jugée et que j'aurai le bracelet. Je ne suis pas une terroriste, une récidiviste... J'ai un CDI. Je ne suis pas un danger public.»
Le mardi 23 juin au soir, les jurés de la cour d'assises du Gard ont condamné Hélène à dix-huit ans d'emprisonnement pour avoir exercé sur Zélia, au mois de décembre 2017, des violences volontaires ayant entraîné sa mort sans intention de la donner.
Le matin même, Me Scherrer, son avocat, demandait: «Auriez-vous eu une autre vie si Pheth avait été un garçon?» Hélène avait répondu: «Oui, je pense. Une fille et un garçon, ça aurait été parfait.»