Politique

Le G7 de la jet-set

Temps de lecture : 4 min

[Chronique #13] Cet événement était le trailer du monde post-Covid, post-Brexit et post-Trump dont on n'a pas encore les épisodes.

Justin Trudeau, Charles Michel, Joe Biden, Yoshihide Suga, Boris Johnson, Mario Draghi, Emmanuel Macron Ursula von der Leyen et Angela Merkel posent au début du sommet du G7 à Carbis Bay (Royaume-Uni), le 11 juin 2021. | Leon Neal / POOL / AFP
Justin Trudeau, Charles Michel, Joe Biden, Yoshihide Suga, Boris Johnson, Mario Draghi, Emmanuel Macron Ursula von der Leyen et Angela Merkel posent au début du sommet du G7 à Carbis Bay (Royaume-Uni), le 11 juin 2021. | Leon Neal / POOL / AFP

C'était la première fois que les chefs d'État et de gouvernement des sept grandes puissances se retrouvaient depuis le début de la pandémie. Les organisateurs de ce G7, qualifié de «présentiel», avaient tenu à mettre en scène la rencontre physique entre les dirigeants dont on avait un peu oublié qu'ils avaient un corps et un visage sinon une âme pendant ce long confinement.

Ce fut donc un grand soulagement de les voir réapparaître sous l'œil des caméras du monde entier. Ils se saluèrent à grands coups de coude, dans une sorte de sarabande ou de danse folklorique de Cornouailles, puisque c'est là, dans la pittoresque station balnéaire de Carbis Bay, que se tenait le 47e sommet du G7.

Boris Johnson, la puissance invitante, ouvrit le bal des revenants et prêta son style coiffé-décoiffé impayable et son allure d'ours mal léché à la scénographie de l'événement. La reine Elizabeth, infatigable figurante de l'empire, et sa royale descendance habituée des tabloïds, apportèrent leur contribution à ce relookage de printemps de la chose politique. Ils firent bonne figure comme on dit et donnèrent à ce G7 royal la touche glamour de la série The Crown. Avec eux le, G7 prenait des airs de jet-set.

Les épouses G-septeuses occupèrent l'écran comme il se doit, forçant un peu sur la tenue et la couleur telle Brigitte Macron vêtue d'une robe bleu électrique et Carrie Johnson littéralement enrobée dans une coulée de rouge cerise. Plus sobre, Jill Biden, la Première dame américaine portait une robe à pois Zadig & Voltaire et une veste au dos de laquelle était épinglé le mot «LOVE», un choix vestimentaire qu'elle crut bon d'expliquer, comme le rapporte Vogue: «Nous apportons l'amour de l'Amérique [...] l'unité à travers le monde. Je pense que c'est nécessaire en ce moment que les gens ressentent un sentiment d'unité de tous les pays et un sentiment d'espoir après cette année de pandémie.» Les gens, dit-on, lui en furent reconnaissants!

On fêtait tout à la fois la fin de la Zoom-diplomatie, une torture pour les personnalités extraverties et tactiles comme Emmanuel Macron, un Yalta post-Covid qui se déroulait au grand jour, avec des dirigeants tout juste sortis les yeux écarquillés de leurs abris anti-covidiens, soulagés de retirer leur masques pour annoncer la fin des hostilités sur le front du virus. La guerre au Covid, c'était fini. Le monde entrait en convalescence. Le G7 inaugurait une nouvelle saison du monde tout à la fois post-Covid, post-Brexit et post-Trump sans que les différentes phases se superposent exactement. On ne disposait pas encore des nouveaux épisodes, mais seulement du trailer. Et ce trailer, c'était le G7.

Intrigue adolescente

Le très sérieux Guardian chroniqua la rencontre au sommet des chefs d'État sur le ton badin d'une critique de série télé avec idylles de stars, crises de jalousie et tensions géo-ego-politiques. Au cœur de cette série, Joe Biden attirait tous les regards. Contraint pendant de longs mois de faire campagne depuis sa résidence dans l'État du Delaware, il avait quasiment disparu des écrans. Son retour parmi les siens prenait le sens d'une résurrection. Il apparaissait comme le Christ à ses apôtres, auréolé de sa victoire providentielle contre Donald Trump et précédé de la rumeur quasi rooseveltienne de ses premiers mois à la Maison-Blanche.

«Vous démontrez que le leadership, c'est un partenariat», déclara un Emmanuel Macron abscons et flagorneur, mêlant le miel et l'amertume, l'indépendance et la soumission. «Une idylle naissante a pu être observée entre Emmanuel Macron et Joe Biden», chuchota Le Figaro, une idylle qui n'eut pas l'heur de plaire à Donald Trump, reclu dans son palais de Mar-a-Lago, privé de réseaux sociaux, et qui dut se contenter d'un communiqué boudeur: «Si j'étais un dirigeant de ces pays, moi aussi je préférerais Biden au président Trump», argumenta-t-il car «je suis pour l'Amérique d'abord.» Mais qui s'en souciait?

Le Guardian compara les intrigues autour de Joe Biden à une histoire de drague d'adolescents, «une véritable cour» livrée par Boris Johnson et Emmanuel Macron pour des raisons différentes. Pour Johnson, ce G7 était l'occasion d'afficher la nouvelle relation transatlantique entre les États-Unis et le Royaume-Uni post-Brexit. Évoquant le souvenir de la relation de travail entre Winston Churchill et Franklin Roosevelt, Johnson avait «dépensé une énergie considérable pour tenter de courtiser politiquement Joe Biden avant le sommet. Mais il s'était fait voler la place par un Emmanuel Macron entreprenant à l'occasion de la séance photo officielle.» Après la gifle qui le fit tomber de son piédestal monarchique, celui-ci voulait sans doute réparer l'affront fait à la fonction présidentielle. Le G7 lui en donnait l'occasion. Il devait se montrer à la hauteur de l'événement, ce qui supposait de refaire le chemin à l'envers; non plus du sacre à la claque mais de la claque au sacre en quelque sorte.

À l'appui de ses dires, le Guardian publiait une vidéo hilarante dans laquelle on voyait le groupe des chefs d'États, figé un bref instant pour la photo, s'égayer et suivre Boris Johnson pendant qu'Emmanuel Macron ralentissait le pas, se laissait dépasser par Johnson avant de s'élancer dans une tactique de grand pont vers Joe Biden et l'enlacer du bras dans le dos, ne laissant au président américain d'autre possibilité que de l'enlacer à son tour de son bras ballant resté en arrière. L'épisode ne durera que quelques secondes mais l'image des deux présidents enlacés fera le tour des médias.

Boris Johnson, se retournant, découvrit alors «l'objet de ses désirs politiques marcher dans une étreinte physique» avec son rival, écrit le Guardian. Apparemment secoué, Johnson ne put que s'attarder auprès de la chancelière allemande, Angela Merkel qui semblait n'être venue que pour ça, en attendant que Biden et Macron ne les rejoignent les joues empourprées. «Un moment délicat pour le Premier ministre, concluait l'auteur de l'article, auquel la plupart des adolescents pourraient s'identifier.»

C'est pourtant une adolescente qui, loin de s'identifier à ces comportements puérils, trouva les mots justes pour en juger: «La crise climatique et écologique s'aggrave rapidement, a commenté dans un tweet Greta Thunberg, il faut donc fêter cela avec un barbecue de steaks et de homards pendant que des avions font des acrobaties dans le ciel.»

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