La Grèce a confirmé son statut d’exception à l’occasion des dernières élections européennes, puisqu'elle est le seul pays dans lequel la gauche radicale est arrivée en tête du scrutin. Certes, avec 26,55%, Syriza ne progresse pas par rapport aux élections législatives de juin 2012 mais la formation, qui regroupe plusieurs petits partis, devance de près de quatre points la Nouvelle Démocratie, le parti de droite au pouvoir (22,76%). Et elle progresse nettement par rapport au scrutin européen de 2009.
Contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres Etats de l’Union européenne, notamment en France, la protestation contre la crise et les politiques d’austérité a profité plus à la gauche radicale qu’à l’extrême-droite.
Il ne faut pas pour autant minimiser le score du parti néofasciste Aube dorée. Bien que ses dirigeants soient soit en prison, soit sous le coup de poursuites judiciaires, il est arrivé en troisième position avec 9,39% des voix devant l’Olivier, le nouveau nom de la coalition formée autour du Pasok, le parti socialiste qui participe au gouvernement (8,3%), et devant Potami (la rivière), un parti créé il y a à peine trois mois pour défendre l’Europe.
Reste que Syriza peut se prévaloir de sa première place, d’autant plus qu’il a enregistré une autre victoire aux élections locales qui avaient aussi lieu le 25 mai, en remportant l’Attique, la région d’Athènes où vit un tiers de la population grecque.
Alexis Tsipras, le chef de Syriza, qui était aussi le candidat de la toute gauche radicale européenne à la présidence de la Commission de Bruxelles, prend argument de ces succès pour réclamer des élections parlementaires anticipées. Mais le succès est relatif.
La Nouvelle Démocratie du premier ministre Antonis Samaras recule seulement de 2 points, le Pasok fait un peu mieux de prévu –tout est relatif quand on pense que les socialistes ont perdu en deux ans les trois quarts de leurs électeurs. Dans l’ensemble, les deux partis du gouvernement bénéficient d’un soutien plus large que Syriza et peuvent considérer que leur légitimité n’est pas entamée.
Syriza sans alliés
Surtout, la solution de rechange n’est pas évidente. La formation de la gauche radicale aurait beaucoup de mal à trouver des alliés pour constituer une majorité de gouvernement en cas d’élections anticipées. Il est exclu qu’elle reçoive le soutien des communistes du KKE, le parti héritier des orthodoxes prosoviétiques, alors que leurs ennemis intimes, les communistes réformistes, font partie de Syriza.
D’autre part, le KKE est violemment anti-européen quand Syriza, bien que divisé sur l’euro, est en majorité favorable à l’intégration européenne –une Europe différente de celle incarnée par la «troïka» (Commission de Bruxelles, Banque centrale européenne et Fond monétaire international) jugée responsable du marasme économique grec. Les autres petits partis à la gauche du Pasok ont été laminés au scrutin européen.
Faute d’obtenir une dissolution de la Voulia, le Parlement grec, Alexis Tsipras et ses amis vont continuer leur guerre d’usure contre la coalition du centre droit et du centre gauche qui affiche quelques succès macro-économiques mais qui peine à réformer en profondeur le système politico-social grec.
La prochaine échéance sera l’année prochaine l’élection par les députés du président de la République. S’il n’y a pas la majorité qualifiée nécessaire, des élections législatives anticipées seront inévitables. La Nouvelle démocratie et les socialistes ont un an pour retourner en leur faveur un rapport de forces qui favorise aujourd’hui la gauche radicale.
Daniel Vernet