Tony Stark, alias Iron Man, va-t-il bientôt porter des Air Jordan? Tout –ou presque– semble possible depuis que l'on sait que l'armée américaine s'est tournée vers Nike et Boeing (entre autres entreprises) pour élaborer une nouvelle combinaison futuriste pour les soldats de ses forces spéciales. On parle de force surhumaine. De capteurs perfectionnés reliés aux fonctions cérébrales. D'exosquelettes constitués d'une armure liquide.
Le système a un surnom: la «combinaison Iron Man». Référence à la série de comics du même nom et à l'armure high-tech de son super-héros sarcastique (rendu célèbre dans le monde entier par une trilogie cinématographique à succès avec Robert Downey Jr. dans le rôle titre). Le Socom (commandement des forces spéciales américaines) a dévoilé –sans crier gare– la liste des sociétés collaborant au projet.
On y retrouve les habituels fournisseurs du Pentagone (géants de type Lockheed Martin), des équipementiers sportifs (Under Armour, Adidas...) et une foule d'entreprises de plus petite envergure aux spécialités diverses: robotique, respirateurs de plongée sous-marine, etc.
Cette liste a été publiée sur un site consacré au programme (nom technique: Tactical Assault Light Operator Suit [Combinaison légère d'assaut tactique], ou Talos). Le site s'inscrit dans un effort généralisé visant à amener des entreprises, des universités et des organisations spécialistes de haute technologie à participer au projet. L'amiral William McRaven, commandant du Socom, souhaite commencer à tester les prototypes au mois de juin 2014. Et il compte équiper les commandos américains d'une version surpuissante de cette combinaison d'ici 2018.
«En fin de compte, nous essayons de faire passer le mot aux entreprises; de leur dire ce qu'elles pourraient faire pour nous, de quoi nous avons besoin», explique Mike Fieldson, civil qui supervise le projet Talos.
Pour l'heure, l'armée n'a signé qu'une poignée de contrats avec les entreprises désirant collaborer au projet; selon Fieldson, il s'agit de l'équipementier tactique Revision Military (Vermont), du spécialiste en robotique Ekso Bionics (Californie), et du concepteur de systèmes de refroidissement Rini Technologies (Floride).
Des contrats minuscules dans le monde de l'armée, où les avions peuvent se vendre cinquante millions de dollars l'unité et où les dépassements de budgets se comptent souvent en milliards de dollars. L'accord passé avec Rini Technologies est ainsi rattaché à un contrat de 2,1 millions de dollars signé avec l'Army Armament Research, Development and Engineering Center (Natick, Massachussetts). L'entreprise est chargée de produire des dispositifs miniatures de refroidissement pesant environ 1,3 kg: ils permettront de soulager les commandos (via un réseau de tuyaux intégrés dans leur veste) lorsqu'ils porteront la combinaison.
«Nous sommes encore en train d'y travailler dans nes ateliers, explique Daniel Rini, PDG de Rini Technologies. Nous allons sans doute leur livrer nos prototypes dans un mois; six semaines tout au plus.»
«Le système de refroidissement Rini fonctionnera en conjonction avec plusieurs pièces d'équipement conçues par Revision. Le tout dans le cadre des tests des prototypes de la combinaison Iron Man qu'organise l'armée cette année», affirme Brian Dowling, l'un des porte-parole de Revision.
L'entreprise a fourni toutes sortes d'équipements à l'armée américaine par le passé –du casque de combat aux lunettes de soleil de protection balistique. Elle est aujourd'hui chargée de créer une «suite d'équipement de protection du soldat». Cette suite comprend un casque équipé de dispositifs de communication intégrés, d'un exosquelette (le «Prowler Human Augmentation System»), et d'une armure high-tech conçue pour protéger le torse contre les balles et les éclats d'obus. Brian Dowling ajoute:
«Pouvoir dépasser la technologie et les exigences de production actuelles pour innover au service du Socom nous enthousiasme tout particulièrement.»
Revision a récemment racheté Panacis, petite entreprise basée à Ottawa (Canada), qui conçoit des batteries au lithium rechargeables; l'orientation choisie par le Socom n'est peut-être pas pour rien dans cette acquisition. Les deux entreprises ont déjà collaboré sur plusieurs projets, et notamment sur l'exosquelette Prowler. Revision et le Socom ne laissent guère filtrer d'informations sur la technologie employée. Aucune photographie des prototypes les plus récents n'ont été mises en ligne sur le site de Revision (et l'entreprise a refusé de nous en fournir pour illustrer cet article).
Quant à Ekso Bionics, il est chargé de concevoir le «châssis» d'un autre prototype Iron Man; c'est du moins ce que nous a affirmé Heidi Darling, porte-parole de cette entreprise. Depuis sa création en 2005, Ekso Bionics (alors baptisé «Berkeley Bionics») fait figure de pionnier dans le monde des exosquelettes robotisés; ils ont déjà travaillé pour le compte du département de la Défense. Leurs combinaisons commercialisées auprès du grand public sont utilisées depuis plusieurs années dans le cadre de la rééducation des blessés; ces combinaisons leur permettent de réapprendre à marcher. Les jambes de la machine sont équipées de moteurs électriques, des moteurs conçus pour assister les personnes à mobilité réduite.
Le Socom a programmé d'autres rendez-vous pour sa future combinaison Talos. Le commandement des forces spéciales organisera bientôt une «session de conception rapide» à Tampa (Floride). Objectif (toujours selon Fieldson): relancer la collaboration entre l'armée, les entreprises du secteur privé et les experts universitaires. Des responsables militaires étudieront alors les différentes options permettant de protéger les commandos dans la combinaison, d'alimenter cette combinaison en énergie, de stabiliser sa température et de la contrôler via la biomécanique. Tous les participants doivent s'engager à participer à une session de trois jours, puis à passer deux semaines sur place au cours des deux mois suivants.
Pendant l'évaluation des différentes options, Socom recevra l'assistance de plusieurs organisations militaires spécialistes de la haute technologie –notamment la Darpa et l'Ardec, selon les responsables du commandement. Battelle, institut scientifique et technologique à but non lucratif basé en Ohio, collabore avec le Johns Hopkins Applied Physics Laboratory, ainsi qu’avec le Charles Stark Draper Laboratory (Massachusetts) et Aegis Technologies (Virginie) pour faire fonctionner de concert les nombreux composants de l'«Iron Man». C’est ce que nous nous a confié Katy Delaney, porte-parole de Battelle.
Les autres sociétés mentionnées sur le site du projet Talos ont soumis plusieurs idées pour la «super-combinaison», mais elles n'ont pas encore signé avec le Socom. Selon Fieldson, Adidas a ainsi proposé un système de suivi électronique initialement élaboré pour les athlètes. Quant aux autres sociétés apparaissant sur la liste, leurs propositions n'ont pour l'heure pas été rendues publiques.
Dan Lamothe
Traduit par Jean-Clément Nau