«Ce n’est pas Hitler. Mais nous devons le stopper quand même.» Sur Politico, Garry Kasparov, champion du monde d’échecs et fervent opposant à Vladimir Poutine, alerte une nouvelle fois les puissances occidentales sur la menace que représente le président russe.
Depuis plusieurs mois déjà, l’opposant au Kremlin dresse des analogies entre Vladimir Poutine et Adolf Hitler.
Le 7 février dernier, il tweetait:
Of course Putin is no Hitler. But in 1936, Hitler was no Hitler either. Why dictators love the Olympics: http://t.co/c0TYDJsMM1
— Garry Kasparov (@Kasparov63) 7 Février 2014
Dans une interview donnée en février à The Guardian, il justifiait cette comparaison:
«Ceux qui pensent que c’est une exagération oublie un facteur important. Hitler en 1936 était vu comme un politicien tout à fait respectable et légitime»
Dans ce nouvel article publié sur Politico, il maintient toutefois que Poutine n’est pas Hitler. Mais la frontière est mince:
«Si Poutine voulait faire une meilleure imitation d’Adolf Hitler dans les années 1936-1938, il n’aurait qu’à se laisser pousser une petite moustache.»
Pour Kasparov, la crise qui a débuté en Ukraine et qui concerne aujourd’hui particulièrement la Crimée, ressemble étrangement à l’Anschluss (annexion de l'Autriche* par l’Allemagne en 1938). L’objectif de son analogie, dit-il, est de «tirer les leçons de l’histoire». Car, malheureusement, la comparaison s’applique également à la tendance des pays occidentaux à laisser faire:
«De la même manière, les leaders de l’Europe et des Etats-Unis ont su imiter les dirigeants lâches et réticents aux risques qui permirent l’ascension d’Hitler dans les années 1930.»
Kasparov se dit surpris de la façon dont les actuels dirigeants ont légitimé Poutine et l’ont aidé à prendre du pouvoir:
«Bien que j’avais justement remarqué le principal avantage de Poutine par rapport à ses prédécesseurs soviétiques –un accès libre aux marchés internationaux et aux institutions– je n’aurais jamais imaginé qu’il en abuserait et les exploiterait si facilement, ou que les dirigeants des pays occidentaux seraient si coopératifs en l’autorisant à le faire.»
Cette analogie est reprise par certains médias, souligne le joueur d’échecs. Le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, traduit par Courrier International, détaille:
«Là-bas aussi, il y a eu un changement du pouvoir sous l'œil vigilant des soldats de Hitler, et un référendum (99,08% de oui en Allemagne et 99,75% en Autriche) pour relier les deux pays. Après l'Anschluss, il y a eu le rattachement des Sudètes par le Troisième Reich, puis de la ville de Klaipeda (dans l'ouest de la Lituanie).»
L’Express évoquait début mars la «prolifération des points Godwin» concernant cette crise en Ukraine. Autrement dit, la tendance qu’ont des analystes à «faire des références à Adolf Hitler et au IIIe Reich, dans le but de décrédibiliser son adversaire». L’Express mentionnait d’ailleurs Garry Kasparov, mais aussi Hillary Clinton, ex-secrétaire d’Etat des Etats-Unis, et l’ancien ministre des Affaires étrangères tchèque Karel Schwarzenberg.
Justifié ou non, cette analogie? Joshua Keating, sur Slate.com, ne la trouve «pas si ridicule», tout en nuançant:
«Le vrai problème n’est pas la comparaison en elle-même, mais c’est la leçon qu’on en tire généralement.»
Il reste donc prudent:
«Bien que les analogies historiques peuvent être utiles aux dirigeants en situation de crise, elles peuvent également induire en erreur. Toutes les négociations ne vont pas finir comme Munich. Toutes les interventions militaires ne se termineront pas comme la guerre du Vietnam.»
Le tout est donc de garder en mémoire l’histoire, tout en restant conscient, comme l’est Garry Kasparov, que Poutine n’est pas Hitler.
* L'Anschluss est bien sûr l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, et non la Pologne comme indiqué par inadvertance dans un premier temps. Toutes nos excuses.