Le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov a souligné le fait que la Russie et la Chine ont «des points de vue largement convergents» sur la situation en Ukraine, et Pékin ne s'est effectivement pas joint aux Etats-Unis et à l'Europe pour condamner la prise de la Crimée. Mais la position de Pékin sur la question est peut-être plus nuancée que cela (rendez-vous sur China Digital Times pour un intéressant tour d'horizon des commentaires sur la réaction de la Chine à la crise).
La Chine est un allié proche de la Russie sur plusieurs dossiers et partage avec cette dernière une absence de confiance dans le soutien occidental aux «révolutions colorées» à l'étranger. Les deux pays ont formé une sorte d'alliance pour la souveraineté au Conseil de sécurité de l'ONU, et la Chine craint, tout comme la Russie, de se faire encercler par des petits pays hostiles soutenus par les Etats-Unis.
Pourtant, les actions de la Russie en Ukraine peuvent aussi être vues comme une sorte d'interférence dans les affaires d'un autre pays et comme une violation de sa souveraineté qui rendent Pékin mal à l'aise. Le Global Times, suivant un réflexe belliciste, écrit dans un éditorial que «l'opinion publique chinoise devrait soutenir fermement la Russie et sa résistance à la pression occidentale.»
Mais le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Qin Gang était un peu plus circonspect (via Xinhua):
«Qin a condamné les violences [sic] des derniers jours en Ukraine, et a encouragé toutes les parties en Ukraine à régler leurs conflits de manière pacifique en respectant les lois des pays, à sauvegarder les droits légitimes des Ukrainiens de toutes origines ethniques et à restaurer l'ordre social dès que possible.
Qin a déclaré que la Chine suit toujours le principe de non-interférence dans les affaires internes de tout pays et respecte l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
"Il y a eu des raisons à la situation actuelle en Ukraine" a déclaré le porte-parole, sans les détailler.»
Si elle n'est pas aussi poussée que son partenariat avec la Russie, la relation économique entre la Chine et l'Ukraine s'intensifie. L'année dernière, «l'Ukraine a validé un projet pour louer 5% de ses terres à des entreprises chinoises à des fins de production agricole», écrit Alejandro Litovsky sur Chinadialogue. La Chine importe aussi des armes et a acheté son premier porte-avion à l'Ukraine.
Certains à Washington pensent que si la Russie subit peu de conséquences pour son invasion de la Crimée, cela pourrait encourager la Chine à s'emparer des îles qu'elle revendique dans les mers de l'est et du sud. Comme Robert Farley, j'ai tendance à penser que l'on donne un peu trop d'importance à la notion de «précédents».
Les situations sont également si différentes –en Asie, on parle d'îles inhabitées, pas d'un grand territoire rempli de Chinois, et contrairement à l'Ukraine, le Japon est un pays stable et unifié avec un accord de défense mutuel de longue date avec les Etats-Unis– que j'ai du mal à croire que les stratèges de Pékin soient en train de tirer beaucoup de leçons utiles en ce moment.
On dirait plutôt pour le moment que le gouvernement chinois va continuer à soutenir la Russie, mais pas si fort, en espérant comme nous autres que la situation se résoudra rapidement.
Joshua Keating
Traduit et adapté par G.F.