C’est vrai que la Corée du Nord, par l’absurdité de son système et d’actes de ses dirigeants, prête souvent à rire (la visite du basketteur Dennis Rodman; une vidéo de la télévision d’Etat montrant des soldats mimant l’euphorie face à Kim Jong-un; des images de propagande archaïques).
Mais les blagues sur la Corée du Nord ont trop duré, estime le journaliste Clive Crook dans un article paru sur Bloomberg.
Il s’était bien marré, en juin 2000, quand il avait initié cette couverture de l’hebdomadaire The Economist où il travaillait alors (et dont le titre peut se traduire en Salutations, Terriens):
A Slate nous avons aussi souvent ironisé sur ce pays comme quand on vous racontait que la Corée du Nord est toujours aussi nulle en Photoshop par exemple.
Cette approche sarcastique vis-à-vis de la Corée du Nord avait été décortiquée dans The Atlantic, en 2013, qui y voyait un mélange de stéréotypes racistes et de crainte très faible vis-à-vis du régime. A l’inverse de celles que nous éprouvons à l’égard de l’Iran par exemple, dont la menace nucléaire nous paraît plus réelle et plus pressante.
«Mais en lisant le rapport des Nations unies sur les atrocités en Corée du Nord, j’ai éprouvé un sentiment de honte», écrit Clive Crook sur le site de Bloomberg.
«Comme Bloomberg View le dit aujourd’hui, il est bien facile de se moquer des Kim, mais la moquerie n’est pas la réponse appropriée. La réponse appropriée, c’est le dégoût.»
Certes, ces dirigeants ont un sacré potentiel comique, résume-t-il.
«Mais même si l’on reconnaît que l’incompétence, à un certain niveau, peut provoquer des souffrances considérables, la cruauté finement élaborée documentée par le rapport des Nations unies, catalogue d’horreurs, est d’un autre acabit. D’un acabit qui interdit la satire. On ne fait pas de blagues sur les camps de concentration, on ne fait pas de blagues sur la torture, me suis-je dit en lisant le rapport. Nous avions fait une couverture mémorable, mais il n’y a rien de marrant dans ce que vit la Corée du Nord.»
Evidemment, on pourrait opposer à Clive Crook que, si, on rit parfois et de la torture, et des camps de concentration. Et que ce n'est pas l'apanage de Dieudonné. En 2013, est ainsi sorti un livre collectant et analysant les plaisanteries qui couraient sous la dictature d'Hitler. Certaines étaient des blagues juives.