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L'extrême droite ukrainienne infiltre le mouvement pro-européen à Kiev

Temps de lecture : 2 min

Des manifestants pro-UE et les forces de l'ordre ukrainienne, le 20 décembre 2013 à Kiev. REUTERS/Gleb Garanich
Des manifestants pro-UE et les forces de l'ordre ukrainienne, le 20 décembre 2013 à Kiev. REUTERS/Gleb Garanich

Alors que les manifestations pro-européennes de Kiev basculent progressivement dans la violence, les médias commencent à évoquer la place prise par l’extrême droite au sein des opposants au président Victor Ianoukovitch. Une extrême droite représentée par le groupement Praviy Sektor, un mouvement créé dès le début des manifestations et qui, selon la BBC, a pris une part active dans les combats avec la police le 19 janvier. Ce qui montre bien, comme l'avaient expliqué Thomas Guénolé et Katerina Ryzhakova Proshin dans une tribune sur Slate.fr, qu'il faut refuser le manichéisme à propos de ce qui se passe sur la place Maïdan.

La BBC décrit un groupe composé de jeunes gens, ukrainophones et russophones, sans quartier général, et qui regroupe, sans que cette alliance soit formalisée, d’autres mouvements d’extrême droite comme Trident (dont Praviy Sektor utilise le site Internet) ou Patriotes d’Ukraine. La colonne vertébrale du mouvement, à Kiev, serait composée de hooligans d’extrême droite russophone. Un mouvement très marqué à droite: même les nationalistes de Svoboda, qu’ils jugent trop libéraux et conformistes, ne leurs conviennent pas. Contrairement aux autres opposants, Praviy Sektor n’est pas plus en faveur de l’intégration européenne que de l’Union douanière avec la Russie. Il cherche à profiter des manifestations pour construire un nouvel Etat.

Le Kyiv Post, un journal ukrainien en langue anglaise et de tendance pro-occidentale nous présente l’un des leaders de Praviy Sektor, Dmytro Yarosh, qui explique son succès par les résultats limités de l’opposition. Yarosh vient lui-même de l’est de l’Ukraine, une partie du pays acquise à Ianoukovitch et à son parti des Régions. Il a passé les 25 dernières années dans des groupes ultra-nationalistes, et raconte au Kyiv Post qu’il a «fait sa communion, donc maintenant je suis prêt à mourir. Je ne veux pas vraiment mourir –je vais bientôt avoir un petit-fils […]– mais si je dois mourir, je le ferai». Le but du Praviy Sektor est de pousser Ianoukovitch au départ, en lui promettant que ni lui ni sa famille ne seront victimes d’exactions, «pour éviter un bain de sang», explique Yarosh.

L’émergence de ce mouvement montre la fragmentation de l’opposition ukrainienne, après deux mois d’affrontements avec les forces gouvernementales. Des dissensions notées par Volodymyr Ishchenko, un sociologue ukrainien, dans une tribune publiée par le Guardian, où il explique que «les objectifs des opposants sont passés d’un désir d’être associé à l’Europe au combat contre la police, après que le Parlement a mis en pièces la constitution et empilé les lois restreignant, entre autres, les libertés de réunion et d’expression». Ishchenko montre la façon dont le mouvement a neutralisé ses slogans, «Gloire à l’Ukraine! Gloire aux héros», afin de mieux dissimuler ses idées, «parfois ouvertement néo-nazies».

Les manifestations de Kiev ont en tout cas versé dans la violence. Le mercredi 22 janvier, 5 personnes ont été tuées dans la capitale ukrainienne, et 300 blessées. Mais comme le note Ishchenko, des motifs d’espoir demeurent pour le maintien d’un mouvement non-violent. Lundi 20, « les étudiant de l’Université de Kiev Mohyla, une des meilleurs universités en Ukraine, ont décrété une grève illimitée contre les lois policières, dans le but de faire cesser les cours dans l’université et d’initier des grèves dans d’autres campus, et des grèves de travailleurs». Une autre façon de faire tomber Ianoukovitch, une manière «radicale et efficace», mais qui reste «non-violente».

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