En octobre dernier, «21 Embarrassing Reasons Why French People Are Way Trashier Than Americans», un article américain sur la culture «trashy» des Français, a provoqué des réactions très violentes sur Internet.
Chelsea Fagan, son auteure, mène une discussion transatlantique sur le sujet, en français dans le texte, avec une journaliste française, Anaïs Bordages.
De: Chelsea Fagan
A: Anaïs Bordages
Re: Oui, les Français aussi peuvent être vulgaires
Chère Anaïs,
J’aimerais d’abord répondre à ta première question. Je réalise que mélanger des sujets sérieux (l’affaire DSK ou le 21 avril 2002) avec des points anecdotiques comme Francky Vincent, a pu rendre le ton de l’article encore plus difficile à comprendre. Je ne sous-estime pas l’importance et le sérieux des histoires en question. De nouveau, je répète que le mot a une connotation différente chez nous, les Américains n’hésitent pas à qualifier de «trashy» leurs propres scandales politiques, avec cette même sorte d’humour bizarre.
Nous vivons au pays qui a élu Bush, qui a constaté que Clinton trompait sa femme et se parjurait pendant qu’il était à la Maison Blanche, et où le Tea Party est un véritable parti politique. De nombreuses personnes regardent Sarah Palin avec le même sentiment d’absurdité que lorsqu’ils regardent la télé-réalité. Nombre d’entre nous se sentent légitimement gênés par ces histoires, nous avons amplement l’habitude que le reste du monde s’en moque, et nous avons appris à en rire nous aussi. J’ai pensé qu’il serait intéressant, en peignant le portrait d’une France imparfaite, de montrer qu’elle n’est pas immunisée aux scandales ou à l’extrémisme politique.
Pour en revenir à la culture, je pense effectivement que les stéréotypes que les Américains ont des Français, tant positifs que négatifs, se manifestent nettement dans la psyché française. Vous êtes submergés par nos films, nos séries TV, notre musique et notre culture Internet, et quasiment chaque représentation de vous y est ridiculement raffinée et prétentieuse. C’est comme si nous ne vous voyions pas comme des êtres humains mais seulement des caricatures, et cela nous fournit un antidote parfait à cette culture «trashy» dont nous raffolons. Nous nous représentons comme assumant parfaitement nos défauts et nos centres d’intérêt au ras des pâquerettes, et nous peignons un portrait de Français raides et incapables de rire d’eux-mêmes –et c’est ce tableau que nous exportons à travers presque tous nos médias.
A l’inverse, il existe clairement en France une forte fascination pour la culture américaine. Tu as déjà mentionné les «food-trucks». De même, lorsque j’ai déménagé à New York il y a quelques mois, tous mes amis français étaient envieux. C’est «je t’aime –moi non plus» dans les deux directions, même si les Français ont naturellement une vision plus nuancée de la culture américaine, ne serait-ce que parce que vous observez ce que nous produisons au quotidien. Peut-être que cette année quelques Américains iront voir La vie d’Adèle, mais pour la majorité, cela sera probablement leur seul contact avec la culture française. De son côté, le jeune Français moyen va consommer autant de médias américains que français. La comparaison est simplement injuste.
Je reproche régulièrement à mes compatriotes de séjourner à l’étranger, parfois pour de longues périodes, sans jamais chercher à approfondir leur vision de «touristes de longue durée». Ils n’apprennent pas la langue, continuent de consommer exclusivement des médias américains, et décident de ne voir que ce qui conforte leurs stéréotypes. Il n'y a qu'à voir tous ces blogueurs ou écrivains «Un-Américain-à-Paris» qui continuent à se concentrer sur le pain, les macarons, les gens qui fument devant les cafés, et les bérets.
Mon amour pour la France, lui, est ancré dans la réalité. J’ai adoré me promener le long de la Seine, mais j’ai également dû gérer les démarches bancaires, les recherches d’appartement et autres tâches administratives. Si j’ai voulu m’amuser un peu et remettre en cause les clichés des Américains, c’est parce que j’aimerais qu’un jour vous puissiez vous rendre aux Etats-Unis et que les gens vous découvrent comme vous êtes vraiment, et non comme un stéréotype.
Chelsea
LA RÉPONSE D'ANAÏS: Peut-on vraiment se débarrasser de nos préjugés?