La National Gallery de Londres expose, jusqu’en janvier 2014, un portrait réalisé par Gustave Klimt d’Amalie Zuckerkandl. Ce tableau, que le peintre n’a pas eu le temps de terminer avant de mourir en 1918, a été dérobé par les nazis et n’a jamais été rendu à ses propriétaires, explique E. Randol Schoenberg, l’avocat chargé de faire restituer la toile, dans un article publié par Al Jazeera.
Ce portrait d’Amalie —morte en déportation pendant la Seconde Guerre mondiale— appartenait à Ferdinand Bloch-Bauer, un ami juif de la famille Zuckerkandl. En mars 1938, Bloch-Bauer fuit l’Autriche pour la Suisse, où il meurt en 1945. Toute sa collection d’œuvres d’art est pillée par les nazis, et c’est Erich Führer, l’homme auparavant chargé de gérer les biens de la famille Bloch-Bauer, qui s’occupe de la liquidation. Le portrait d’Amalie figure en première place sur l’inventaire des œuvres dérobées dressé par les nazis.
Le tableau revient ensuite dans les mains du gendre d’Amalie, qui le revend peu après à la collectionneuse Vita Künstler. Cette dernière garde le portrait pendant de nombreuses années pour le donner finalement à l’Austrian Gallery en 2001, au moment de sa mort.
Cinq ans plus tard, un groupe d’experts autrichiens décide de rendre cinq autres tableaux de Klimt à la famille Bloch-Bauer, mais de garder le portrait d’Amalie. En principe, d’après la loi autrichienne sur les restitutions d’œuvres d’art de 1988, «la victime n’a pas besoin de prouver autre chose que le fait qu’il possédait un objet et qu’il ne l’a plus», explique l’avocat. «Mais les experts ont changé la loi» pour ne la faire s'appliquer que «lorsqu’il a été formellement prouvé que l’œuvre d’art a été dérobée plutôt que transférée d’une autre façon».
Comble de l’ironie, note Schoenberg, cette loi de 1988 a depuis été précisée, et selon la nouvelle interprétation, le portrait devrait être rendu à la famille Bloch-Bauer.
Le cas du portrait d’Amalie n’est pas isolé. Les héritiers d’Erich Lederer, un collectionneur autrichien juif, se battent ainsi pour récupérer La frise de Beethoven, une œuvre magistrale de Klimt, rapporte France 24. La famille de Lederer prétend que l’État autrichien a acquis le chef-d’œuvre de façon frauduleuse. Au delà d’une simple histoire de propriétaires, c’est la réputation du pays qui est en jeu, estime l’avocat de la famille:
«C’est extrêmement important pour la réputation de l’Autriche à l’international de voir comment le pays gère sa propre histoire dans des cas comme celui-ci.»
Pour clore le dossier du portrait d’Amalie, Schoenberg suggère que le groupe d’experts réexamine l’œuvre avant qu’elle ne quitte la National Gallery. Les héritiers Bloch-Bauer devront donc attendre jusqu’à janvier prochain pour espérer un éventuel rebondissement dans cette affaire.