En ce début du mois d’octobre, les Etats-Unis ont mené deux raids au cours du même week-end dans le but de capturer deux importants terroristes: l’un, infructueux, en Somalie, pour tenter de mettre la main sur un commandant des shebabs et l’autre, réussi, pour capturer à Tripoli l’un des responsables des attentats de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya.
Pour Sara Sorcher, du site spécialisé Defense One, les deux opérations pourraient marquer un tournant dans la stratégie de contre-terrorisme de l’administration américaine:
«Les deux raids du week-end, qui avaient tous deux comme objectif inhabituel de capturer des terroristes, sont peut-être le signe avant-coureur d’un nouveau style dans la guerre contre le terrorisme d’Obama, qui s’est jusqu’ici surtout concentrée sur le déploiement de drones pour tuer des cibles en dehors des champs de bataille traditionnels.
"Nous allons voir de plus en plus de cela", affirme le réprésentant Adam Schiff, un membre important du comité sur le renseignement de la Chambre des représentants. Ces opérations chirurgicales reflètent le "changement de politique" visant à s’assurer qu’il n’y ait pratiquement aucune chance pour que des victimes civiles soient à déplorer quand des extrémistes sont visés, selon le Démocrate de Californie, et le désir de s’éloigner d’une stratégie de contre-terrorisme basée sur les drones pour adopter une approche centrée autour de la capture, l’interrogation et la poursuite en justice des suspects quand c’est possible. Une stratégie qui "utilise notre capacité qui n’est plus à démontrer de traîner les personnes qui ont commis des actes de terrorisme devant un tribunal", selon Sciff.
Même les Républicains sont attentifs. "Je pense que le fait que la capture soit à nouveau sur la table est encourageant", estime le représentant Mac Thornberry, qui préside le sous-comité sur les forces armées de la Chambre des représentants.»
Cette approche minimise effectivement le risque de victimes civiles, et d’autres articles ont suggéré que c’était bien la raison pour laquelle l’idée d’une attaque de drone contre l’enceinte en Somalie a été écartée et aussi pourquoi le commandant des Navy SEAL a écarté des frappes aériennes quand l’opération était en cours.
Mais l’approche pose d’autres questions d’ordre juridique. Les Etats-Unis retiennent actuellement Nazih Abdel Hamed al-Raghi, surnommé Abou Anas al-Libi, et l’interrogent à bord d’un bateau de la Navy dans la Méditerranée. La même procédure a été utilisée contre le suspect somalien Ahmed Abdulkadir Warsame en 2011. Warsame a été interrogé par les services de renseignement puis remis aux autorités judiciaires civiles pour être jugé.
Aucune des informations que ces suspects donnent pendant leurs interrogatoires par les services de renseignement ne peut être utilisée pendant un procès, mais ces interrogatoires violent tout de même potentiellement la Convention de Genève qui interdit la détention de prisonniers de guerre sur «des bateaux, des radeaux ou des pontons».
Il y a aussi les problèmes liés à l’enlèvement de suspects terroristes sur le sol étranger, qui a entraîné la mise en examen de plusieurs officiers de la CIA sous l’administration Bush. La Libye a d'ailleurs demandé aux Etats-Unis de lui remettre immédiatement Abou Anas al-Libi, évoquant une «violation flagrante de la souveraineté nationale».
L’administration opère aujourd’hui dans le cadre de directives plus strictes en matière de contre-terrorisme, mais elle ouvre aussi là porte à de nouvelles controverses autour de ses pratiques.
En attendant, l’administration n’a pas totalement abandonné les drones. Une attaque attribuée aux Etats-Unis a frappé une enceinte du nord du Waziristân il y a tout juste une semaine.
Joshua Keating
Traduit et adapté par G.F.