A mille lieues du travail du photographe Alexander Roth-Grisard, dont nous présentons le reportage sur l'Oktoberfest dans notre rubrique Grand format, et qui a voulu montrer cette grande fête populaire dans son intimité, loin des clichés liés à cette immense beuverie munichoise, le blog münchen kotzt, qui ne signifie pas moins que «Munich gerbe» recense depuis cinq ans les photos d'inconnus en état d'ébriété avancé prises dans les environs des tentes où la bière coule à flot. Elles sont également consultables sur Facebook.
Quelques chiffres d'abord: l'Oktoberfest, qui s'achève ce dimanche 6 octobre, attire chaque année près de sept millions de visiteurs. Pendant une quinzaine de jours, on y sert environ 7,5 millions de chopes d'un litre de bière.
Le nombre d'objets trouvés, parmi lesquels les vêtements arrivent de loin en tête, en disent long sur le taux d'alcoolémie des visiteurs de la fête, ivres et égarés, qui se débarrassent de leurs petites laines, de leurs chemises et de leurs collants à mesure que leur peau vire à l'écarlate: l'an dernier, 4.750 effets personnels ont été retrouvés en pagaille dans les immenses tentes qui abritent les interminables tables à boire, parmi lesquels 1.300 vêtements mais aussi deux béquilles, un dentier et un mégaphone.
Sur le blog münchen kotzt, qui se revendique comme un projet artistique, on peut voir des dizaines de photos plus aberrantes les unes que les autres, à la fois drôles et affligeantes, sur lesquelles les visiteurs vomissent sur les pelouses aux abords de l'Oktoberfest.
Sur ce petit précis de la déchéance en costume traditionnel, on peut voir des garçons en Lederhose allègrement vautrés dans l'herbe en train de vomir des restes de Bratwurst marinée à la bière, d'autres en train de pisser assis au milieu de la foule en plein jour, des hommes dormant debout, prenant appui sur une borne électrique transformée en réceptacle à déchets, affalés sur des bancs, sur une marche d'escalier, sur le gazon, sur le bitume.
On peut aussi voir des filles en Dirndl en train de vomir ou de faire leurs besoins, souvent assistées dans ces actions par un copain ou une copine, comme si le danger était trop grand pour s'en sortir toute seule. Certaines allongées, la robe relevée, les motifs délicats du costume maculés de terre.
Il y aussi ces couples ivres du genre «tu t'es vu quand t'as bu», coincés contre un mur ou maladroitement vautrés l'un sur l'autre à même le sol. Ou encore celui-ci, immortalisé en pleine action dans ce cliché surréaliste. Pour ne pas pousser le public shaming trop loin, les auteurs du blog ont caché les visages de cette jeunesse beurrée par des pastilles de couleur.
Le motif qui revient le plus souvent dans ces albums photos est celui du dormeur ou de la dormeuse qui a le nez dans son vomi. Une beuverie collective qui n'est pas sans rappeler une des séquences les plus mémorables du célèbre film Mondo Cane, tournée dans les bars de Hambourg dans les années soixante, immersion no comment dans la longue nuit d'une bande d'ivrognes vascillants. À ceci près que la séquence de Mondo Cane évoquait tantôt une valse des corps, tantôt une pantomime poétique, tandis que les vignettes de l'Oktoberfest sont d'un réalisme écoeurant.