P…, quatre ans! François Hollande pourrait reprendre à son compte l’expression prêtée par les Guignols de l’info à la marionnette de Jacques Chirac avant l’élection présidentielle de 1995. Après les élections allemandes du dimanche 22 septembre, il est clair que le président de la République aura Angela Merkel comme interlocutrice au cours des quatre prochaines années, le temps qu’il reste pour son propre mandat.
Il connaissait parfaitement les sondages outre-Rhin, qui ne promettaient pas à un grand avenir à une coalition entre les sociaux-démocrates et les Verts. Il ne devait donc se faire, avant dimanche soir, aucune illusion sur un changement de politique à Berlin.
Certes, il avait soigné l’opposition social-démocrate. Il avait reçu à plusieurs reprises à l’Elysée le triumvirat dirigeant du SPD, dont Peer Steinbrück, le candidat à la chancellerie. C’était une petite revanche sur Angela Merkel, qui avait refusé de le voir avant l’élection présidentielle française et avait apporté un soutien ouvert à Nicolas Sarkozy.
Merkel va devoir être prudente
Mais la politique européenne ne se fait pas avec des petitesses personnelles. Pour François Hollande, la question est de savoir si au cours des quatre prochaines années le gouvernement allemand poursuivra la même politique que depuis le début de la crise financière et économique. S’il continuera à mettre l’accent sur le rétablissement des finances des pays européens déficitaires, ou s’il fera un pas dans la direction souhaitée par la France depuis mai 2012, autrement que par quelques mesures homéopathiques pour sauver la face de ses partenaires sans franchir le pas d’une mise en commun d’au moins une partie des dettes.
Le président de la République continue à compter sur les sociaux-démocrates ou sur les Verts. Angela Merkel sera en effet obligée de former une coalition avec les uns ou avec les autres.
Le SPD et les Verts ont présenté des conceptions de politique européenne qui se rapprochent de celles de la France, même si François Hollande ne doit pas s’attendre que le prochain gouvernement allemand, quel qu’il soit, s’écarte de l’orthodoxie financière, un dogme qui fait consensus outre-Rhin. Il peut toutefois espérer un léger relâchement de la pression et une relance, même modeste, de la consommation dans la principale économie de l’UE.
Le score obtenu par le nouveau parti eurosceptique, Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui a manqué de peu son entrée au Bundestag avec 4,5% des voix, devrait inciter les partis établis à la prudence. C’est surtout vrai pour la démocratie chrétienne, qui a fourni près du quart des électeurs de l’AfD. Or, la CDU, avec sa formation sœur bavaroise la CSU, a toujours pris grand soin d’empêcher l’installation d’un parti sur sa droite, car elle veut couvrir tout le spectre politique du centre à la droite. Comme les prochaines élections européennes pourraient être une occasion pour l’AfD d’élargir son audience, Angela Merkel fera attention de ne pas lui fournir des arguments.
Fin de l'hypothèque des élections allemandes
La reconduction d’Angela Merkel pour quatre ans a au moins un avantage pour François Hollande. L’hypothèque des élections allemandes, qui pesait sur la politique européenne et servait de prétexte à un certain immobilisme, est levée. Le président de la République sait avec qui il aura affaire et il est évident qu’il s’accommodera de cette coopération forcée. C’est un lieu commun que l’Union européenne ne peut pas fonctionner si la France et l’Allemagne ne trouvent pas des compromis entre des conceptions qui ont toujours été au départ différentes, même dans les rares périodes euphoriques.
La poursuite de l’intégration économique et monétaire, avec ou sans changement des traités, et la réalisation de l’union bancaire sont les premiers points à l’ordre du jour. Vient ensuite la politique étrangère et de sécurité commune, pour laquelle on attend à Paris que l’Allemagne accepte d’assumer une responsabilité à la mesure de sa puissance économique. Enfin, l’évolution de la structure institutionnelle de l’UE ne pourra être longtemps éludée.
Français et Allemands se surveillent sur tous ces points. Chacun attend de l’autre qu’il abatte ses cartes avant de prendre position.
Une même préoccupation réunit François Hollande et Angela Merkel. Pour des raisons de convictions personnelles ou de rapport de forces politiques, ils se méfient des grands projets d’Europe fédérale pour privilégier la coopération entre les gouvernements. Ils veulent avancer pas à pas. La question est de savoir si c’est dans la même direction.
Daniel Vernet