Le Royaume-Uni va-t-il confier le filtrage d'Internet à Huawei, l'entreprise chinoise accusée d'espionnage? Comme nous vous le signalions le 22 juillet, David Cameron a annoncé un plan drastique, visant notamment obliger les fournisseurs d’accès à Internet à mettre un filtre anti-pornographie par défaut lors de chaque nouvelle ouverture de compte. Or, souligne la BBC, le Premier ministre britannique a vanté le système de filtrage de TalkTalk, l'un des plus importants FAI britanniques qui compte environ 4 millions de clients. Le fournisseur d'accès propose un des systèmes leaders sur le marché, HomeSafe (Torrent Freak détaille le système qui permet de bloquer différents sites –pas seulement pornographiques– par catégories). Si le gouvernement va jusqu'au bout de son action, les connexions pourraient être surveillées par défaut, et les adultes pourraient avoir à choisir d'enlever le filtrage ou non (pour le moment, le système est en option).
Problème: la BBC a appris que HomeSafe était géré par l'entreprise chinoise de télécoms Huawei. Le Royaume-Uni est l'un des plus gros clients de cette société, mais TalkTalk, contactée par la BBC, avait dans un premier temps nié l'implication de l'entreprise dans HomeSafe, avant de confirmer que celle-ci joue un rôle important dans les activités du système HomeSafe. Les abonnés TalkTalk pourraient donc voir leur trafic passer par défaut sous la surveillance de Huawei si la loi passe.
La société fournit également du matériel à TalkTalk. Contactés par Slate.fr, ces derniers nous ont confirmé que la majorité de leurs routeurs et box étaient fournis par Huawei.
«Huawei est un de nos partenaires depuis de nombreuses années, et ils l'ont été pour une grande partie de l'industrie des télécommunications britannique», a indiqué le porte-parole de la société.
Quels liens avec le gouvernement chinois?
Huawei, qui a passé il y a plus de dix ans un accord avec British Telecom, est surveillée depuis un certain temps par les autorités britanniques, australiennes et américaines, inquiètes des potentiels liens avec le gouvernement chinois. En juin 2013, l'Intelligence Security Committee a publié un rapport sur les implications étrangères dans les infrastructures nationales et s'attarde longuement sur la firme chinoise.
«La plupart des préoccupations concernant Huawei se rapportent à ses liens présumés avec le gouvernement chinois. Comme le notait le Comité dans son dernier rapport annuel, 20% des cyber-attaques détectées contre les intérêts du Royaume-Uni démontraient d'un niveau de sophistication qui indique qu'elles étaient probablement soutenues par un Etat ou liées au crime organisé. La Chine est suspectée d'être l'un des principaux auteurs de ces attaques étatiques, qui sont concentrées sur l'espionnage et l'acquisition d'informations. Dans ce contexte, les liens présumés entre Huawei et l’Etat chinois sont préoccupants, puisqu'ils génèrent de la suspicion quant aux intentions de Huawei, à savoir strictement commerciales, ou plus politiques.»
Fondée en 1988, l'entreprise nie tout lien avec le gouvernement chinois et précise ne recevoir aucune subvention. Le 19 juillet, l'ancien patron de la CIA Michael Hayden a accusé Huawei d'espionnage. En novembre 2012, un rapport des autorités incitait les entreprises américaines à ne plus commercer avec deux entreprises chinoises suspectées d'espionnage, dont Huawei. Le ministre chinois du Commerce avait alors répliqué, dénoncant une «mentalité de guerre froide».