L'Inde ne sait plus quoi faire pour protéger ses femmes des agressions sexuelles. La dernière trouvaille vient de la ville de Bombay, qui propose de bannir les mannequins de lingerie dans les magasins. Le journaliste indien Anurag Kotoky ironise sur la situation dans une tribune publiée par Reuters:
«Vous ne pouvez pas accuser l’illettrisme, vous ne pouvez pas accuser le maintien de l’ordre. Ou la mentalité patriarcale indienne. C’est la faute des mannequins osés qui hantent les magasins de lingerie de Bombay. Ils transforment les badauds en prédateurs sexuels.»
C’est déjà le temps de faire un point: il s’agit bien des mannequins dans les vitrines. En passant devant, n’importe quel homme serait «provoqué», et se transformerait alors en prédateur sexuel.
Pour protéger les femmes, on s'attaque... aux femmes
Comme l’explique également Kotoky, cette idée a immédiatement été raillée sur Twitter. L’humoriste Ramesh Srivats propose une mesure bien plus radicale: bannir les femmes, pour les protéger des viols... A leur encontre, CQFD.
How about banning women to prevent sexual crimes against mannequins. Makes no sense? Okay. But BMC started it.
— Ramesh Srivats (@rameshsrivats) 28 mai 2013
Un autre humoriste, Sapan Verma, recentre le débat sur ce que révèle cette proposition sur la société indienne.
It says a lot about a country when forget its women, even its mannequins cannot wear what they want.
— Sapan Verma (@sapanv) 28 mai 2013
Dans un édito de The Hindu, le journaliste Sidharth Bhatia développe la problématique conservative:
«Avec déjà tant de problèmes qui s’étendent sur Bombay (la collecte des ordures, les épidémies infectieuses, et bien sûr, les nids-de-poule) il serait logique de penser que le conseil municipal ferait des heures sup’ pour trouver des solutions. A la place, ils vouent leur temps et leur attention à nettoyer les turpitudes morales des citoyens».
Pour Sidharth Bathia, si elle est appliquée, cette mesure n’aura pas un impact majeur sur la société et les habitants de Bombay. Mais c’est néanmoins encore une preuve du rétropédalage idéologique de la ville. Tout en s’indignant des violences faites aux femmes, les politiques du pays continuent à restreindre leur liberté.
Déjà plein de mesures bizarres
Quand ce ne sont pas les mannequins, ce sont les femmes la nuit, les femmes en jupe, les femmes qui dansent dans des bars... Toutes ces solutions sont maladroites, pour ne pas dire complètement stupides. Pour les recenser, le Wall Street Journal India a dressé un Top 10:
- Pas de jupes pour les filles, ce qui est pourtant une partie de leur uniforme scolaire
- Appelez son agresseur «mon frère» en lui tenant la main
- Revenir aux valeurs traditionnelles, parce que tous ces viols sont «la faute de la pensée occidentale»
- Pas de rencards pour les jeunes filles, ni de films de Bollywood, ça donne des pensées lubriques aux hommes
- Une montre protectrice qui enverrait un message au poste de police le plus proche et aux proches en cas d’agression. La montre serait aussi géolocalisable.
- Stop aux émissions de talents à la télévision, où des ados de 14 ans dansent ensemble sur des chansons d’amour
- Pas de mixité à l’école. Elle est actuellement autorisée, il faudrait donc faire un pas en arrière
- Recouvrir les sculptures indiennes érotiques et nues
- Bannir le porno, une pétition est en ligne à cet effet
Et nous ajoutons celles-ci:
- La police verbalise les femmes qui sortent seules la nuit
- Les forces de l’ordre traquent les PDA: «public display affection», soit, le fait de se faire un bisou dans la rue, par exemple
- En 2005, les danseuses dans les bars ont été bannies de Bombay pour protéger les «hommes lubriques»
La fédération des marchands (FRTWA) s’est déjà opposée à l'interdiction des mannequins de lingerie. Son président a souligné que la ville de Bombay n’avait pas les autorisations nécessaires pour interdire les mannequins dans les magasins. Selon lui, aucun vendeur ne pourrait donc être inquiété. Néanmoins, il ajoute que la FRTWA soutient n’importe quelle action contre l’exposition non-autorisée de mannequins en dehors des boutiques.