Les Vénézuéliens ont eu droit à une campagne électorale courte mais intense pour choisir le remplaçant d’Hugo Chavez, décédé en mars dernier. Nicolas Maduro, le candidat du parti chaviste, et Henrique Capriles, le leader de l’opposition, se sont affrontés dans de longs discours bourrés de métaphores et de références plus farfelues les unes que les autres.
C'est finalement l'héritier du chavisme, Maduro, qui a été déclaré le nouveau président du Venezuela, dimanche 14 avril, après un décompte très serré et encore contesté (50,66% contre 49,07%).
Mais qui est-ce qui a gagné le concours de la petite phrase? A partir de comptes-rendus de La Vanguardia et BBC Mundo, Slate.fr vous retranscrit le match, en comparant les angles d'attaque des deux candidats.
L’affrontement animal
Premier critère de notation: le vocabulaire animalier, omniprésent pendant la joute verbale entre Maduro et Capriles.
Côté chaviste, Maduro a annoncé la couleur très vite, affirmant que le Comandante lui était apparu sous forme de «petit oiseau». Le volatile, sorte d’Esprit saint revenu sur terre pour confirmer le soutien de Chavez à son parti, aurait tourné autour de la tête de Maduro trois fois en chantant afin de lui donner sa bénédiction.
Belle anecdote, mais moins pugnace que la réponse de son rival:
«Il n’a pas vu de petit oiseau mais en a sans doute avalé un, puisque c’est ce qu’il a dans la tête.»
Capriles a fait fort dans l’insulte bestiale, comparant également Maduro à un «Toripollo», un animal mythologique au corps de taureau et à la tête de poulet. Il gagne de loin dans la catégorie animalière.
Maduro 0-1 Capriles
Le coup bas religieux
Dans un pays latino-américain, la religion est un argument de campagne essentiel. Maduro l’a bien compris: l’oiseau Chavez volant dans les cieux pour lui transmettre l’inspiration divine n’est qu’une de ses saillies mystiques. Il a ainsi affirmé être «l’apôtre de Chavez» et interprété l’élection du pape François, un Argentin, comme un signe que «Chavez est en face du Christ… [car] le Christ s’est dit “l’heure de l’Amérique Latine est venue”».
Le candidat du parti au pouvoir n’a en outre pas hésité à se présenter comme la réincarnation de son ancien leader, la pièce manquante à la trinité chaviste: «Je suis le fils de Chavez», a-t-il ainsi déclaré, «Chavez gagnera le 14 avril». Coup final: Maduro a prédit qu’une malédiction ancestrale, la malédiction de Macarapana, s’abattrait sur les Vénézuéliens qui ne voteraient pas pour lui.
La religion était clairement un axe de campagne facile à exploiter pour le candidat en deuil de l’ancien président vénézuélien, très chrétien à la fin de sa vie, mais Capriles s’est lui particulièrement mal débrouillé au niveau du mysticisme. Seule tentative biblique digne d’être mentionnée: une comparaison de sa campagne avec la lutte de David contre Goliath (le gouvernement actuel). «Vous avez tous un David en vous, le pouvoir de vaincre les puissants», a-t-il exhorté la foule lors d’un discours. Tout de même, la victoire revient à Maduro pour ce qui est des références religieuses.
Maduro 1-1 Capriles
Les attaques attendues
Bien entendu, les deux candidats se sont reposés sur des attaques plus basiques, Capriles s’en prenant à l’intellect de Maduro, Maduro s’en prenant au capitalisme de Capriles. Pas d’avantage à ce niveau-là, puisque ces sorties étaient prévisibles et ont probablement eu le même impact. La balle au centre.
Maduro 1-1 Capriles
La guerre des surnoms
Dernière arme oratoire à prendre en compte: les surnoms dont les deux candidats se sont affublés l’un et l’autre pendant la campagne. Maduro a choisi l’efficacité dans ce domaine: «Caprichito» et «Burguesito» («petit caprice» et «petit bourgeois») sont les deux qualificatifs qu’il préférait pour évoquer son adversaire. Le candidat chaviste a également traité Capriles de «Pitiyanqui» («petit yankee» ou pro-américain), l'un des néologismes préférées de feu Chavez.
Capriles, de son côté, a fait preuve d’un peu plus de créativité, notamment avec le surnom «Toripollo», adopté instantanément par les opposants au gouvernement actuel. Le candidat de droite a ensuite perfectionné son insulte en parlant de «Toripollo alias "Mentira Fresca"» («Toripollo alias "le mensonge tout frais"»). Le point surnom lui revient.
Maduro 1-2 Capriles
C'est donc à Capriles que revient (de justesse) la victoire du verbe, à défaut de celle de l'élection.
D.D.