Monde

Pourquoi Ansa a annoncé la «démission» du pape avant ses concurrents et le Vatican

Temps de lecture : 2 min

Dictionnaire Gaffiot latin-français 1934  via Wikimedia Comons

Moins d'une dizaine de minutes avant midi, ce lundi 11 février, l'Agence France Presse a envoyé un flash annonçant la renonciation du pape Benoît XVI, citant comme source l'agence de presse italienne Ansa. Une minute plus tard, l'AFP publiait un nouveau flash annonçant cette renonciation, avec cette fois-ci comme source le porte-parole du Vatican.

Il n'est pas rare de voir un média sortir un scoop avant une annonce officielle, grâce à des sources internes que le journaliste a pu cultiver. Mais l'Ansa n'a pas annoncé la renonciation du pape en première, à 11h46, grâce à une relation privilégiée avec le pape ou l'un des occupants du Vatican.

Si Giovanna Chirri, la journaliste dépêchée au Vatican pour l'agence de presse italienne, a pu sortir l'info en premier, c'est parce qu'elle a traduit en direct en italien l'annonce du pape, effectuée en latin lors d'un consistoire, une réunion de cardinaux destinée à faire le point sur des béatifications, que regardaient, en vidéo, une poignée de journalistes, dont deux Français. Un consistoire dont Benoît XVI a profité pour adresser aux cardinaux le message suivant:

«Conscientia mea iterum atque iterum coram Deo explorata ad cognitionem certam perveni vires meas ingravescente aetate non iam aptas esse ad munus Petrinum aeque administrandum.»

Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien.»)

«Du journalisme cultivé»

A priori, rien dans la tenue de ce consistoire ne laissait deviner cette annonce. «C'est important, mais pas un de ces événements que vous soulignez plusieurs fois sur votre agenda: si vous le suivez, il s'agit d'une mesure de précaution, pour faire un compte-rendu de ce qui se passe», a expliqué l'un des journalistes qui l'ont regardé, Charles De Pechpeyrou, de l'agence spécialisée I.Media, au Huffington Post Italie.

C'est le journaliste italien Marco Frittella qui a souligné en premier sur Twitter le mérite de Giovanna Chirri:

«La vaticaniste d'Ansa a sorti l'info en premier parce qu'elle a traduit à l'improviste depuis le latin, sans erreur. Du journalisme cultivé.»

C'est aussi ce qu'a expliqué la journaliste du New York Times en charge du Vatican:

«La journaliste d'Ansa qui a sorti le scoop sur la démission du pape a entendu Benoît XVI lire son annonce aux cardinaux en LATIN et a compris ce qu'il disait. Bravo!»

Giovanna Chirri a quant à elle tweeté que le latin du pape était «facile à comprendre»:

«J'ai donné la nouvelle, puis j'ai commencé à pleurer»

Pendant la conférence de presse donnée au Vatican peu de temps après l'annonce du pape, le porte-parole Federico Lombardi a expliqué que son entourage a été «pris par surprise», et a ajouté:

«Comme le pape a fait sa déclaration en latin, nous avons tous eu un moment d'hésitation avant de comprendre qu'il démissionnait.»

L'AFP a interviewé le directeur de l'agence de presse italienne, qui a expliqué qu'en entendant le pape dire qu'il comptait arrêter, Giovanna Chirri a aussitôt appelé le père Federico Lombardi pour confirmer ces propos, sans réussir à le joindre immédiatement. Les journalistes de l'agence discutaient de savoir s'ils devaient publier l'annonce sans confirmation quand le père Lombardi a rappelé. «J'ai donné la nouvelle, puis j'ai commencé à pleurer», a expliqué Giovanna Chirri au Huffington Post Italie.

On ajoutera donc à la liste des conseils aux aspirants journalistes: apprenez le latin, vous irez plus vite que le Vatican même (et on notera que les bons vieux conseils comme «vérifier ses informations» tiennent toujours!). Pour s'entraîner, voici déjà la déclaration du pape en latin et en français.

C.D.

Article actualisé le 11 février 2013 à 23h30 avec les précisions du directeur de l'Ansa, le tweet de la journaliste et l'article du Huffington Post Italie.

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